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C H A P I t r e 1 Mes racInes faMIlIales, socIales et Intellectuelles En décrivant ses origines familiales, Michel Blondin précise les motifs profonds de son engagement social et du choix professionnel qu’il fera pour le travail social communautaire . Comme bien d’autres personnes qui s’engagent pour la durée de leur vie, c’est l’indignation vive et profonde ressentie à l’égard d’une situation qui éveille sa conscience sociale et l’amène à des choix sociopolitiques et professionnels résolus. Dans son cas, c’est l’exploitation qu’a subie son père et, plus largement, les conditions de vie de la classe ouvrière des années 1940 et 1950 qui heurtent sa conscience morale et son sentiment de justice. Un autre événement majeur qui permettra à Michel Blondin de devenir un intellectuel engagé est l’accès aux études classiques. Pour les enfants d’une famille ouvrière de l’époque, les études postsecondaires ne sont pas financièrement accessibles . Or, ce fils de laitier y arrive avec de la chance puisqu’une famille anonyme a payé pour ses études et le pensionnat, par l’entremise de l’Œuvre des Vocations. L’époque pendant laquelle Michel Blondin reçoit son éducation est celle d’une société industrielle, conservatrice et nationalement dominée. Ses études classiques l’ouvrent à des idées novatrices et lorsqu’il entame ses études universitaires, il prend conscience de la modernisation de cette société et y participe. Son contact avec la pensée humaniste du mouvement Emmaüs, son implication dans les Chantiers de Montréal et son initiation à l’organisation communautaire avec son stage au Conseil des œuvres de Montréal le conforteront dans son désir de contribuer professionnellement à l’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière. 10 Innover pour mobiliser Mes parents Né en 1938, je suis l’aîné d’une famille ouvrière. Comme plusieurs de son époque, mon père, Gérard, né en 1910, est peu scolarisé: il a terminé sa quatrième année du primaire. Son père à lui était artisan forgeron à Shawbridge, dans les Laurentides, entre Saint-Jérôme et Sainte-Adèle. Je n’ai pas connu mon grand-père et pourtant je porte son prénom en souvenir de lui. Je me rappelle être allé à quelques reprises dans cette forge à l’ancienne. C’est le frère aîné de mon père, René, qui a pris la relève de la forge après le décès de mon grand-père. Je garde l’image de cette forge comme étant celle de mon grand-père. Mon père quitte la maison familiale à 14 ans, à la suite du décès de son père, qui laisse sans ressources une famille nombreuse. Ce fut le début d’une vie de travail difficile. Il travaille, entre autres, dans l’Ouest canadien et s’y rend en voyageant à bord des trains sans payer, comme on le voit dans les films américains. De retour à Montréal, mon père a fait de tout, même du travail de force, malgré sa petite taille (1,53 m environ) et sa légèreté (55 kg). Il me parle très souvent du transport de sacs de charbon dans les maisons, ce qui signifie porter de lourds sacs de charbon sur plusieurs étages, car à l’époque, en ville, les gens se chauffent au charbon dans les maisons. Je me souviens que c’est ainsi que nous chauffions notre maison, lorsque j’étais très jeune. Comme nous sommes une famille à très faibles revenus, mon père occupe presque toujours deux emplois pour réussir à nous faire manger trois repas convenables chaque jour. Ma mère ne travaille jamais à l’extérieur. Durant la Grande Crise de 1929, mon père connaît le chômage et le travail à temps partiel, souvent sur appel. À ma naissance, à la fin de cette période, mon père travaille dans une fonderie à Ville Saint-Laurent, où je grandis. Il s’agit de la Fonderie Gurney où l’on fabrique des chaudi ères et des poêles en fonte. Son médecin, qui est notre voisin, insiste pour qu’il quitte la fonderie, car il a déjà des problèmes aux poumons. De plus, il est un gros fumeur. Il le prévient: «Si tu y restes, tu vas y...

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