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C H A P I T R E 9 Être mère dans L’omBre quand maternité se conjugue avec consommation de substances Psychoactives amélie Bédard Université de Montréal Aborder la question de la maternité combinée à la toxicomanie, c’est plonger au cœur même de la signification sociale du rôle de mère. La question soulevée est complexe et les réponses sont nombreuses selon le point de vue que l’on adopte. Force est de reconnaître que la société nord-américaine nous propose une vision de la mère qui est un modèle de perfection, d’exemplarité empreint de patience, de dévotion et de douceur . Cette image idéalisée de la mère est fortement inscrite dans la culture occidentale et les représentations socialement acceptables de la mère vont de pair avec cette image. Par ailleurs, que signifie être toxicomane au féminin ? Ici encore, une variété de points de vue sont véhiculés. De façon dominante, la toxicomanie chez la femme évoque surtout une vie marquée par la dépendance, le dur manque à gagner et les conditions de vie très difficiles (Anderson, 2008). Présenté ainsi, l’archétype de la toxicomane est tout à l’opposé de celle de la mère contemporaine. Pourtant, être mère et consommer des substances psychoactives est une réalité qui prend forme dans une palette de nuances qu’il importe de considérer au-delà des jugements moraux, pour le bien-être de l’enfant comme pour celui de la mère. Certes, les questions morales, éthiques s’enchevêtrent et dérangent. 170 Regards critiques sur la maternité dans divers contextes sociaux Comment concilier la maternité avec la toxicomanie sans heurts, sans discréditer ni punir? Est-il possible que la relation mère-enfant se construise dans un contexte considéré autrement que socialement déviant? Le contraste marqué, voire choquant, entre ces deux positions sociales mérite qu’on approfondisse l’analyse sur la question. Le texte proposé se veut une réflexion sur la littérature scientifique dans une perspective féministe critique. À l’instar d’auteures canadiennes comme Susan Boyd (1999, 2004a, 2004b), Nancy Poole (2001, 2005, 2007) et Lorraine Greaves (2002), femmes engagées et inspirées par des communautés de femmes consommant des drogues, nous souhaitons mettre en lumière comment le processus de construction sociale de la maternité dessert celui de la mère aux prises avec des problèmes de toxicomanie. Pour ce faire, nous délimiterons, dans un premier temps, le cadre de notre réflexion. La première section traitera des discours portant sur les mères toxicomanes, plus précisément de la construction sociale de la maternité et de son impact sur les mères qui consomment des substances psychoactives, du modèle social dominant et de la stigmatisation des mères, de même que de l’influence que la perception sociale de la toxicomanie féminine peut jouer dans le maintien de ces discours. Nous conclurons cette première partie en soulevant la question de la déviance sociale, car dans le paradigme promulgué par le discours dominant force est d’admettre que la toxicomanie en contexte de maternité est perçue comme un phénomène en marge des normes sociales. La deuxième section concernera le discours des mères toxicomanes elles-mêmes, la façon dont elles perçoivent leurs expériences de la maternité et les concepts de risques et de droits avec lesquels elles doivent jongler. La dernière section du chapitre portera sur les avenues à explorer avec les mères consommant des substances psychoactives, c’est-à-dire les services existants et les facteurs favorisant le soutien aux mères, les relations avec le système de protection de l’enfance et de la jeunesse, de même que l’approche de réduction des méfaits comme manière appropriée d’aborder la situation. Précisons que le texte suivant ne porte pas sur la période de la grossesse mais bien sur la maternité, même si cette période sera parfois abord ée puisqu’elle représente un moment charnière dans la vie des femmes. Nous avons fait le choix d’être inclusive sur le plan des substances psychoactives consommées et ne ferons pas de distinction entre celles qui sont légalis...

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