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Regard conclusif. La construction de la notion de « touriste » dans les sciences sociales
- Presses de l'Université du Québec
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Le touriste est à lui seul le sujet d’une ethnologie nécessaire à l’interprétation de notre propre société. URBAIN, 2002, p. 138 L’objet de ce texte est de présenter quelques réflexions visant à comprendre comment les sciences sociales ont tenté de construire une notion du «touriste». Le choix des disciplinesmères qui ont façonné les contours d’une science sociale du tourisme n’est pas indifférent, puisque pardelà les disciplines, se sont profilé des enjeux en termes de différenciation et d’autonomie scientifique, ainsi qu’une quête de crédibilité. Les éléments principaux sur lesquels nous nous sommes appuyé pour justifier les fondements ne sont pas anodins non plus: fautil partir du comportement de la personne engagée dans une activité touristique? Fautil plutôt faire appel aux notions d’espace ou de déplacement? Comment différencier un gilles Pronovost Professeur émérite, Université du Québec à Trois-Rivières regArd conclusif la construction de la notion de «touriste» dans les sciences sociales 218 Épistémologie des études touristiques comportement touristique d’un « comportement non touristique » ? Comment départager une expérience touristique «authentique» de celle qui ne le serait pas? Allonsnous traiter différemment une science sociale du tourisme d’une science sociale du touriste? Avonsnous tenté ou non d’établir des notions distinctes pour l’une ou l’autre? Lourds enjeux qui sont loin d’être résolus. entre tourisme, loisir et touriste Nous devons en premier lieu apporter une distinction qui peut aller de soi, mais qui n’a pas nécessairement donné lieu à des discussions intenses: les sciences sociales du tourisme n’ont pas tout à fait le même objet que l’étude du touriste. Prenons l’exemple des sciences du loisir, que je connais un peu mieux: cellesci ne disposent d’aucune notion pour désigner celui qui fait des loisirs; on peut parler de «pratiquer une activité» (d’où les nombreuses enquêtes dites de participation), mais comment désigner ce nouvel homo ludens dont parlait Dumazedier (1962)? De manière générale, seuls les qualificatifs de l’activité de loisir ont fait l’objet d’une abondante nomenclature (repos, divertissement, liberté, etc.), la personne ellemême étant presque sans nom, même si de temps à autre, elle a été affublée du terme gênant de pratiquant ou que la psychologie du loisir a tenté de détecter les éléments de sa personnalité. En fait, les travaux pionniers en matière de tourisme ont pratique ment calqué l’approche des sciences du loisir, à l’exception du fait qu’elle pouvait nommer l’homo touristicus directement. Pour le reste, le modèle d’explication a souvent été le même. Si nous prenons l’exemple de Marc Boyer (1972), celuici proposait comme cadre historique d’interprétation de la genèse du tourisme contem porain le passage de la notion du «Grand Tour» à celle de «culture de masse»; le tourisme est vu comme un produit de la civilisation industrielle, comme répondant à un «besoin culturel». D’une phase proprement élitiste, le tourisme est devenu un phénomène de masse, dont nous verrons que MacCannell (1976) en fait l’un des enjeux fondamentaux des sociétés contemporaines. Une telle interprétation était pratiquement calquée sur l’interprétation qu’ont donnée les sociologues de la genèse et de la for mation du loisir moderne. Mais qu’en estil du touriste luimême? Parmi les premières interprétations que l’on en a proposées, nous pouvons encore une fois nous référer à Marc Boyer. Celuici écrit que le tourisme consiste en un déplacement «en tant que ce séjour et ce déplacement constituent une activité de loisir des individus » (1972, p. 10). Il ajoute : « Aussi aimerionsnous pouvoir dire: en tant que ce déplacement et ce séjour tendent à satisfaire, dans le loisir, un besoin culturel de la civilisation industrielle» (ibid.). En d’autres termes, même si le mot touriste n’apparaît [18.225.31.159] Project MUSE (2024-04-25 02:44 GMT) Regard conclusif 219 pas dans ces citations, ce qu’il fait renvoie à des activités de loisir. Se côtoient d’une part un phénomène sociohistorique nommément identifié, puis une caractéristique qui sera reprise abondamment par les géographes au point...