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Avant d’être une science des sociétés et des cultures, l’ethnologie est d’abord une expérience de terrain. Gérard TOFFIN, Ethnologie. La quête de l’autre, 2005, p. 7 La triple question Faut-il définir le tourisme? Comment et pourquoi? appelle des réponses très variées. L’issue n’est pas dans l’affirmation que telle définition est la bonne, mais dans l’étude critique de la connaissance du tourisme, c’est-à-dire l’épistémologie. Marc BOYER, Le tourisme de l’an 2000, 1999, p. 13 Les questions formulées par Marc Boyer en ouver­ ture du premier chapitre de son ouvrage Le tourisme de l’an 2000 (1999, p. 13) nous invitent, dans l’effervescence de nos terrains et de nos analyses, à prendre le temps de revenir à ce qui constitue le cœur du projet scientifique, soit les contours de l’objet ainsi que l’approche et la méthodologie privilégiées. En suivant le cours de marie-blanche fourcade Professeure associée au Département d’histoire de l’art, Université du Québec à Montréal CHAPITRE 3 enquêtes et conquêtes de terrAins touristiques regards d’ethnologue 54 Épistémologie des études touristiques l’histoire du tourisme et, plus particulièrement celui de l’ethnologie du tourisme, force est de constater le prodigieux effort de définition du phé­ nomène, sous­tendu par la nécessité de légitimer et de faire valoir l’exis­ tence de ce champ d’études considéré, à tort, comme marginal, voire presque occulté. Le souci d’actualiser la notion se manifeste aujourd’hui pour des motifs quelque peu différents, à savoir un renouvellement théo­ rique qui nous amène à repenser les dynamiques de recherche et à nous tourner vers de nouveaux terrains. Le monde du tourisme s’est ouvert à moi il y a quelques années alors que je menais une recherche ethnographique dans l’intimité résidentielle de familles appartenant à la diaspora arménienne au Québec afin d’y relever la présence d’un patrimoine culturel, d’en saisir l’importance dans l’expression et, parfois, la reconstruction de l’identité migrante (Fourcade, 2011). Dans un tel contexte de déracinement, j’ai, dès le départ, eu affaire à des voyageurs qui ne se déplacent pas par loisir, mais par obligation. Ce n’est pourtant pas le statut particulier de mes informateurs qui a constitué la première amorce d’intérêt pour les pratiques touristiques, mais plutôt leurs souvenirs rapportés d’Arménie qui prennent une place privilégiée dans le quotidien des familles. L’emplacement des objets, dans les endroits stratégiques des maisons, de même que le soin qui leur était apporté, révèlent avec force toute l’ampleur et l’importance de cette expérience au cœur même de la mobilité. Ainsi, de récits d’histoires d’objets et d’œuvres en récits de voyages, s’est progressivement dessinée une forme touristique pleinement intégrée logistiquement et symboliquement à la vie migrante. Plus encore, le retour (ou la découverte) à la terre ancestrale et, par son entremise, les liens entretenus au pays de référence constituent désormais une clé de lecture incontournable dans l’approche de l’identité arménienne diasporique. Ce n’est donc finalement pas l’attrait pour le tourisme en tant que tel qui m’a incidemment projetée dans le champ de spécialisation, mais bien plutôt la perspective ethnologique sur cette expérience de tourisme. De ce regard disciplinaire, il en sera question tout au long du texte puisqu’il qualifie théoriquement et méthodologiquement la production des connais­ sances. Outre quelques points de repère sur la rencontre de la discipline et de l’objet, mon propos se concentrera particulièrement sur l’étude du tourisme du point de vue de l’ethnologue ou, dit autrement, quelles sont les spécificités de cette approche et de quelles manières se traduisent­elles dans la vision, la compréhension et le travail de restitution de l’enquête en terrain touristique. [18.189.170.17] Project MUSE (2024-04-16 21:14 GMT) Enquêtes et conquêtes de terrains touristiques 55 ethnologue/Voyageur Avant même d’évoquer l’émergence, ô combien difficile, du tourisme au cœur des sciences humaines et sociales, il semble important de...

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