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Performance et débordements du travail sur la vie personnelle Les enseignements d’une étude menée auprès de cadres en France Émilie Genin 1. OBJECTIFS La performance est un impératif pour les organisations d’aujourd’hui, qu’elles soient grandes ou petites, publiques ou privées, à but lucratif ou même sans but lucratif. Dans ce contexte, que dire des conséquences de la course effrénée à laquelle se livrent les organisations pour améliorer leur performance? Tout d’abord, ses effets sur la santé physique et mentale des salariés sont relativement bien documentés. La recherche incessante de performance conduirait à une intensification du travail (Aubert et de Gaulejac, 1991) pouvant donner lieu à différents problèmes, allant du stress à l’épuisement professionnel (Marchand, Demers et Durand, 2005; Smith Major, Klein et Ehrhart, 2002), voire pouvant mener jusqu’au suicide (Lallement et al., 2011). De nombreux facteurs sont pointés du doigt: le raccourcissement des délais, la nécessité de réagir en permanence à des événements peu maîtrisés (Salengro, 2005), ou le développement de l’urgence comme mode de fonctionnement dans les organisations (Aubert, 2003; Thoemmes, Kanzari et Escarboutel, 2011). Les formes d’organisation du travail telles la gestion par projets, la gestion par objectifs , l’accélération du rythme des changements organisationnels et techniques (fusions, acquisitions, réorganisations) et la surcharge informationnelle liée aux TIC, sont également jugées responsables de l’intensification du travail (de Gaulejac, 2005; Legault et Belarbi-Basbous, 2006; Salengro, 2005). 82 Performance organisationnelle et temps sociaux Parallèlement, la recherche de performance des organisations influence aussi la durée, les horaires et les rythmes du travail, rendant plus ardue la conciardue la concila conciconci liation entre les différents temps de la vie (Burchell et al., 2009). De nombreux auteurs se sont penchés sur la déstandardisation du temps de travail, ou plutôt des temps de travail (Bouffartigue et Bouteiller, 2002; Tremblay, 2008). D’un côté, le contexte de mondialisation, d’intensification de la concurrence et de décentralisation des structures productives a fait de la flexibilité des salariés un enjeu central pour les entreprises (Bouffartigue et Bouteiller, 2002). De l’autre, les évolutions techniques et organisationnelles, les nouvelles formes d’organisation de la production, les transformations du contrôle et de l’évaluation du travail supposent une flexibilisation accrue de la main-d’œuvre. Des horaires et des rythmes de travail atypiques accompagnent généralement des pratiques de gestion bien connues telles que le «juste à temps» ou le «zéro stock». En conséquence, les temps de travail autrefois collectifs et standardisés ont éclaté au profit d’une individualisation croissante des durées et des rythmes de travail (Appay, 1996). Le développement d’horaires de plus en plus irréguliers, imprévisibles et désynchronisés des autres temps sociaux entraîne comme conséquence le brouillage des frontières entre temps de travail et hors travail. L’articulation, auparavant binaire, entre le travail et les autres temps de la vie devient plus poreuse (de Terssac et Tremblay, 2000). Les frontières entre vie personnelle et vie professionnelle sont bouleversées par l’externalisation de certaines activités, par les réorganisations du travail en soirée et le week-end et par les technologies mobiles (Delteil et Genin, 2004; Genin, 2007). Selon Lallement (2003), les reconfigurations entre temps et travail sont multiformes. Pour en rendre compte, il propose d’effectuer une distinction entre le temps au travail, du travail et de travail. Les recompositions du temps au travail renvoient aux transformations de l’organisation du travail, aux rythmes de plus en plus contraignants et à l’intensification du travail. Cet auteur observe deux mouvements contradictoires et simultanés: l’un tend vers l’intensification du travail et l’accroissement du contrôle ; l’autre vers l’autonomisation des salariés et l’individualisation (des horaires de travail, des rémunérations, etc.). Les transformations du temps du travail reflètent la fin des enchaînements classiques école/entreprise/retraite. Les frontières entre ces différents temps se brouillent de plus en plus. Les périodes d’emploi, de formation et d’inactivit é (souvent involontaires) se succèdent, voire se juxtaposent. Enfin, le temps de travail renvoie au décompte de la quantité de temps consacrée au travail. La flexibilité accrue et le déclin de la norme d’emploi standard bousculent la...

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