In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Des architectures conçues par assemblage local chez les insectes sociaux FRANCE Guy THERAULAZ Directeur de recherches au CNRS, docteur en neurosciences et en éthologie, il dirige l’équipe«Comportements collectifs: éthologie et modélisation» au Centre de Recherches sur la Cognition Animale à l’Université Paul Sabatier à Toulouse . Ses recherches portent sur les comportements collectifs des sociétés animales et les phénomènes d’intelligence collective . Depuis dix ans, il travaille également à la conception de nouvelles techniques inspirées du comportement des insectes sociaux en informatique et en robotique . En 1996, il a reçu la Médaille de bronze du CNRS pour ses travaux sur l’Intelligence en essaim . Il est l’auteur d’une centaine d’articles scientifiques . Il est par ailleurs coéditeur et coauteur de quatre ouvrages . Des architectures sans architectes De toutes les activités collectives réalisées par les sociétés d’insectes, la construction de nids et de réseaux est certainement celle où la différence entre l’échelle des individus (du millimètre au centimètre) et celle des structures collectives produites (du décimètre à quelques dizaines de mètres) est la plus grande . Chez les termites africains du genre Macrotermes, les nids peuvent atteindre 6 à 7 mètres de hauteur, soit plus de 600 fois la taille d’un ouvrier (figure 1a) . Les supercolonies de fourmis des bois (Formica lugubris) qui peuvent compter, comme c’est le cas dans le Jura suisse, des centaines de millions d’individus , ont développé des réseaux de pistes de plusieurs dizaines de kilomètres, soit plusieurs millions de fois la taille d’une seule fourmi . Mais les capacités des insectes sociaux ne se limitent pas à la construction de nids ou de réseaux à grande échelle, elles s’étendent également à la réalisation de structures régulières et très sophistiqu ées . Ainsi, les nids construits par certaines espèces de guêpes tropicales sont constitués de plusieurs rayons de cellules superposés, dont les parois latérales font partie de l’enveloppe externe . Les différents rayons sont traversés par un canal Crédit photo : J .C . Sannicolas 298 Bioart central ou périphérique permettant le passage d’un étage à l’autre (figure 1c) . Même si des éléments de base comme les cellules et les rayons se trouvent répétés, les nids sont organisés en superstructures pouvant contenir des éléments très différents (figure 1g) . Enfin, les nids comme les réseaux de pistes ou de galeries souterraines peuvent se former dans des milieux très divers, en conservant parfois une remarquable stabilité de forme . Si ces architectures fascinent depuis toujours, l’origine de leur complexité est restée une énigme durant très longtemps, car très peu de travaux se sont intéressés à l’analyse des mécanismes comportementaux impliqués dans leur formation . Les premières hypothèses qui ont été invoquées pour expliquer les performances collectives des sociétés d’insectes ont fait appel à la connaissance que pouvaient avoir les individus de la structure globale à produire, et donc à une certaine forme d’intelligence individuelle . On avait tendance à postuler que la complexité des architectures réalisées par les sociétés d’insectes trouvait son origine dans la capacité des individus à centraliser et traiter l’information; donc à décider des actions à mener à travers la représentation qu’ils se faisaient de leur univers . Il y a un peu plus d’un siècle, dans son ouvrage La vie psychique des bêtes, Louis Büchner (1881, p . 109-110), en rapportant les observations faites par l’entomologiste suisse Huber sur l’art constructeur des fourmis Formica fusca, prêtait à ces dernières une forme d’intelligence individuelle très élaborée: D’après ces observations et mille autres semblables, je me suis assuré que chaque fourmi agit indépendamment de ses compagnes . La première qui conçoit un plan d’une exécution facile en trace aussitôt l’esquisse; les autres n’ont plus qu’à continuer ce qu’elle a commencé : celles-ci jugent, par l’inspection des premiers travaux, de ceux qu’elles doivent entreprendre; elles savent toutes ébaucher, continuer, polir ou retoucher leur ouvrage, selon l’occasion; l’eau leur fournit le ciment dont elles ont besoin; le soleil et l’air durcissent la matière de leurs édifices; elles n’ont d...

Share