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Chapitre 7 L’identité québécoise naturalisée La fiction architecturale de la montagne Tremblante1 Lucie K. Morisset 1. La préparation de ce texte n’aurait pas été possible sans l’aide de plusieurs personnes. L’auteure remercie tout particulièrement Claude Thibault, historien d’art, Marie-Ève Breton, candidate à la maîtrise en études urbaines de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Gaétan Cormier, vice-président au Développement à Intrawest Placemaking, Paul Arseneault, professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, Michel ­ Archambault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’UQAM, Georges Leahy, architecte , ainsi que Dan Somers et George De Swaan, archivistes de référence à Bibliothèque et Archives Canada. 138 L’imaginaire géographique Ce texte conte l’histoire de la fiction architecturale d’une montagne, nommée la «montagne Tremblante» ou, plus communément depuis les années 1960, «le mont Tremblant». L’histoire d’une fiction qui a ceci de particulier qu’elle n’est pas une créature instantanée: le récit de la montagne Tremblante parle d’histoire tout autant qu’il s’ancre dans l’histoire. Par vagues successives et comme par fossilisation, l’architecture y a en effet produit et matérialisé un mythe à travers lequel l’imaginaire d’un village typiquement québécois, ou plutôt d’un «beautiful French village», est devenu réalité. Quel est-il, cet imaginaire? C’est celui dépeint par «A Beautiful French Village / Un village typiquement québécois», un film publicitaire d’Intrawest, son principal promoteur, produit en 19922, et qui s’est révélé à ce point structurant qu’en 2003 on parlait aussi d’une «architecture typiquement québécoise». Tremblant – qu’on entend de plus en plus nommer en algonquin«Manitonga Soutana» – est un «world-class resort», comme le veut le langage des promoteurs touristiques. C’est une station de villégiature et plus particulièrement de ski, la plus ancienne au Canada et la deuxième en Amérique du Nord. Sise au nord de Montréal, sur les flancs du premier parc national du Québec, qu’il s’agisse d’ancienneté (1895) ou de superficie (1510 km2), la station fait aujourd’hui partie de la ville de Mont-Tremblant, au même titre que l’ancien village de Mont-Tremblant, établi à compter de la toute fin du xixe siècle à quelques kilomètres de là, autour d’une gare ferroviaire. La station de villégiature originelle est, pour sa part, une créature de Joseph Bondurant Ryan, homme d’affaires de Philadelphie qui l’a établie à compter de 1938-1939. Société immobilière de l’Ouest du Canada, Intrawest en a fait l’acquisition en 1991, alors qu’elle comptait 61 pistes de ski, un terrain de golf, des boutiques, des restaurants, un bon nombre de bâtiments et près de 800 hectares (8 km2) de terres à valoriser. De 1991 à 2002, Intrawest y a investi 195 millions de dollars en installations et en infrastructures de services, à l’exclusion notable des développements immobiliers résidentiels ou commerciaux. En 2003, au moment où elle entreprenait une nouvelle phase d’expansion sur le flanc est de la montagne , Intrawest énonçait ainsi sa mission: «To provide an unforgettable ‘‘typically Québécois” resort experience3 ». Tremblant, ajoutait-on, «will be recognized for its ‘‘typically Québécois” architecture, environment and atmosphere »; le positionnement de la marque promettant une «Experience Life 2. Tremblant, tant de choses à dire / So Much to Say, Intrawest, 1992. 3. Station Mont-Tremblant, Plan de match 2003-2004, préparé le 18 février 2003, document d’orientation inédit. [3.138.113.188] Project MUSE (2024-04-24 03:51 GMT) L’identité québécoise naturalisée 139 at its best at Tremblant, where the Québécois ‘‘Joie de Vivre’’ is a celebration in an outstanding mountain village». Autrement dit, on entendait proposer aux étrangers une différenciation caractéristique au site si forte que Tremblant se distinguait à coup sûr des autres stations de montagne et, aux ­ Québécois, un décor et mode de vie qui honorent leur identité. Mais il y a là, selon nous, bien plus que l’usuel choix d’images propre à la mise en marché. Source: Lucie K. Morisset. Vue d’ensemble de la «Base Sud» de Tremblant depuis la route d’accès à la station de villégiature...

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