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Chapitre 10 Le Sud-Est asiatique Une charnière du Monde Rodolphe De Koninck Àl’issue de la Deuxième Guerre mondiale, le Sud-Est asiatique faisait largement partie du monde pauvre, de ce qui fut bientôt désigné du terme de tiers-monde. Projection de l’Asie vers les mers tropicales, sas entre l’océan Indien et l’océan Pacifique, entre les mondes indien et chinois, se distinguant de l’un parce qu’appartenant partiel­ le­ ment à l’autre, et vice versa, cet ensemble péninsulaire et insulaire allait progressive­ ment devenir l’une des principales fournaises politiques de la planète. Quelques-unes des plus importantes guerres de libération coloniales s’y sont alors déroulées, ­ notamment en Indonésie et au Vietnam, les Philippines et la Malaisie ayant également été en proie à d’intenses luttes armées. 394 Le monde dans tous ses États Outre qu’elles aient toutes été liées à la décolonisation, dont l’occupation japonaise de 1942 à 1945 n’avait fait que précipiter la nécessité, ces luttes et ces guerres ont permis au communisme soit de s’installer à demeure, soit de menacer les démocraties naissantes. Les victoires militaires des communistes, tout particulièrement au Cambodge et au Vietnam en 1975, n’ont fait que conforter ceux dans le monde industriel capitaliste qui croyaient nécessaire d’appuyer les régimes musclés. C’est ainsi que furent soit établis, soit cautionnés, voire solidement appuyés, des régimes militaires de droite, le «chef-d’œuvre» en la matière ayant été réalisé en Indonésie, avec celui dit de l’Ordre Nouveau, officiellement en place de 1967 à 1998. Cette année-là, la chute du président Suharto, ex-général s’étant précisément illustré dans la lutte anticommuniste , a marqué la fin d’une ère en Asie du Sud-Est, celle des clivages hérités de la guerre froide. Pendant l’entière durée de celle-ci, tous les régimes en place, de la ­ Birmanie aux Philippines, en passant par la Thaïlande, les trois pays issus de l’ancienne ­ Indochine française que sont le Vietnam, le Laos et le Cambodge – ce dernier ayant vécu un épisode particulièrement atroce sous le régime sanglant des Khmers rouges (1975-1979) – et même la Malaysia1, Singapour, Brunei ou l’Indonésie, se sont réclamés d’un camp ou d’un autre, parfois jouant sur les alliances. Ce jeu de division est maintenant terminé, même si deux pays, le Vietnam et le Laos, sont toujours sous le contrôle de partis encore largement communistes et qu’un autre, la Birmanie2, demeure aux prises avec la junte militaire probablement la plus corrompue et la plus habile de l’histoire moderne, survivant en bonne mesure grâce à l’appui de la Chine. Malgré cela, sous la pression de ses deux puissants voisins que sont l’Inde et la Chine, sous la pression aussi des forces de la mondialisation, tout aussi concrètes, tout aussi pesantes, l’Asie du Sud-Est se consolide. Elle se consolide comme région économique à forte croissance, comme entité géopolitique distincte, rassemblée tant sous l’égide de l’ASEAN3 que sous celle d’une solidarité de plus en plus indispensable devant ces voisins et face à cette mondialisation. L’accession du Timor oriental à l’indépendance formelle en 2002 et son accession prochaine à l’ASEAN soulignent la maturité de cet ensemble. Rassemblant à la mi-2010 près de 600 millions d’habitants et étant constitué de 11 États souverains d’une infinie variété au plan tant culturel que politique et économique – comprenant l’un des États les plus prospères du monde, en l’occurrence la cité-État de Singapour, et trois pays très ­ pauvres, le Timor 1. J’utilise le terme Malaisie pour désigner la seule péninsule malaise, laquelle, correspond à la Malaisie proprement dite, celle d’avant la constitution de la Fédération de Malaysia en 1963. La création de cette Fédération a permis de rassembler autour de cette Malaisie tant Singapour que les deux territoires de Sabah et de Sarawak situés sur le versant nord de l’île de Bornéo. En 1965, Singapour s’est retirée de la Fédération de Malaysia. 2. Je souligne ici que je continue à refuser de désigner ce pays...

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