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C H A P I T R E 6 La diffusion des innovations comme expériences Françoise Cros Centre de recherche et de formation du Conservatoire national des arts et métiers cros.francoise@wanadoo.fr 134 Se professionnaliser par l’écriture – Quels accompagnements? résUmé Depuis longtemps, des spécialistes de la formation pensent que l’expérience vécue peut servir de formation pour les autres. Cela se vérifie surtout dans ce qu’on appelle la diffusion des bonnes pratiques. Ce chapitre porte sur les conditions minimales pour qu’une expérience professionnelle, en l’occurrence une innovation pédagogique, puisse avoir pour effet la transformation des pratiques d’autrui par le médium d’un écrit réalisé par la personne qui a vécu l’expérience et qui la communique, écrit qui serait fictionnel. Il s’appuie sur les théories de Schütz (1987) et de Schaeffer (1999) pour en dégager les modalités, les supposés théoriques et les limites. Il propose une comparaison des effets, sur les lectrices et lecteurs, d’une écriture qualifiée de performative par rapport à une écriture plus factuelle, voire formelle. [18.226.187.24] Project MUSE (2024-04-18 16:32 GMT) La diffusion des innovations comme expériences 135 Tout au long des études que nous avons menées sur l’innovation en éducation , nous avons reçu, en tant que chercheuse, des commandes inlassables de responsables de la formation sur les moyens de diffuser l’innovation, de la transmettre, surtout lorsqu’elle est validée par des instances donnant toute garantie sur sa valeur pédagogique . Nous pourrions, certes, discuter de la «valeur» de cette garantie assurée soit par les responsables de l’inspection, soit par d’autres spécialistes de la formation, voire par les chercheuses et chercheurs eux-mêmes, invités à étudier et à analyser le déroulement des innovations . Mais il semble que, jusqu’à présent, la compréhension de la diffusion des innovations , ce que les spécialistes internationaux appellent la diffusion des«bonnes» pratiques, soit restée une énigme, voire une aporie . Elle pose le problème général, tant évoqué, de la diffusion des pratiques professionnelles . Comment peut-on transmettre sa propre expérience professionnelle à autrui, non pour une simple prise de connaissance, mais en vue d’une intégration à son registre d’expériences? Nous avons essayé de comprendre ce processus de transmission ou de diffusion des innovations en éducation à travers des tentatives très imparfaites et plus ou moins pertinentes de modélisation théorique, sans jamais arriver au cœur même de cette problématique . Ainsi avons-nous rejeté le modèle de l’épidémiologie prôné par Mendras et Forsé (1983) dans leur exemple de l’adoption par des agriculteurs du tracteur ou du maïs transgénique . En effet, ce modèle métaphorique ne prend en compte ni l’activité du sujet, qu’il considère de manière passive, ni l’innovation en éducation, qui est loin d’être un «objet» à adopter . De même, le modèle de l’influence sociale (Moscovici, 1979), avec ses modalités diverses, s’il illustre dans l’action des modifications d’attitudes et de croyances plus proches du domaine de l’éducation, ne permet en aucune façon de cerner ce qui a été transféré . Tout au plus pouvons-nous penser que les effets sociaux à l’œuvre ont provoqué des changements diffus . Le modèle de l’accompagnement de l’innovation par des équipes de recherche, sous la forme de «recherche-action» (Mesnier et Missotte, 2003) a permis une forte prise de conscience de la part des innovatrices et innovateurs accompagn és, mais la diffusion de l’innovation à d’autres personnes intervenantes est souvent restée bien mince dans les rapports de recherche . De notre côté, nous avons dégagé un troisième modèle, celui de la sociologie de la traduction (Callon, 1986; Cros, 2004) . Nous pensions avoir saisi une des composantes principales de l’adoption de l’innovation par des échanges entre actrices et acteurs, dans un processus de conviction . Il suffisait d’entrer dans «l’espace d’intéressement» de l’autre, c’est-à-dire, selon la théorie de la traduction de Callon (1986), de convaincre autrui du bienfait de la transformation, pour que ce dernier modifie son comportement et accepte 136 Se professionnaliser par l’écriture – Quels accompagnements? de collaborer...

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