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Chapitre 8 Les conséquences concrètes du néolibéralisme dans la région caraïbe Nous avons dans cette partie décrit le néolibéralisme comme une forme politique d’organisation du territoire – et finalement une forme de«reterritorialisation» – et une méthode de domination spatiale et économique . Nous avons vu que, dans un cycle historique, le néolibéralisme fait suite à la période du colonialisme qui s’éteint, en principe, à la fin des années 1960 avec les dernières indépendances. Du point de vue des grandes firmes multinationales, dont les premières voient le jour au début du XXe siècle (Carroué, 2002), le néolibéralisme constitue une idéologie politique facilitant une nouvelle forme de domination de l’espace qui n’est plus aréolaire, comme le colonialisme d’État (conquête physique du territoire , occupation, organisation de l’espace pour l’exploitation, etc.), mais 120 Géopolitique d’une périphérisation du bassin caribéen réticulaire. Le néolibéralisme fonctionne en effet par enclaves, ou plus exactement par «exclaves». Les sociétés-mères, qui demeurent intimement liées à une métropole et, derrière elle, à un État du Nord-Atlantique (Londres, New York, etc.), ne produisent rien elles-mêmes si ce n’est des services (conceptualisation, conception, organisation, etc.). La firme fonctionne grâce à un archipel de dépendances qui sont autant d’«exclaves» localisées en fonction d’avantages comparatifs pour la firme (généralement pas pour les habitants des pays sur lesquels se greffent ces «exclaves»). L’idéologie néolibérale qui sous-tend ce système se diffuse grâce à la connivence de gouvernements eux-mêmes liés à ces entreprises par divers réseaux d’alliances (financement de campagnes électorales, placement dans les comités de direction, réseaux occultes, etc.) et aux médias, poss édés par ces mêmes firmes comme un organe de communication externe. À tel point que la conception de l’espace de l’«exclave» se répand dans le contexte général de paupérisation lié à la concentration gigantesque de capitaux permise par les politiques néolibérales. Tandis que l’espace public se rétrécit au rythme de la progression des PNB, se constituent des enclaves correspondant à des espaces rattachés à une classe donnée. D’un côté, les migrants ruraux et les classes pauvres sont contraints de s’accomoder de leurs lieux de vie dans les espaces oubliés des promoteurs immobiliers en raison d’une géographie défavorable (contraintes topographiques, hydrologiques , géologiques, problèmes liés à la proximité d’industries polluantes, de décharges, etc.). De l’autre, les nantis profitant du système s’attribuent les meilleurs espaces dont ils excluent les autres classes par sélection économique et relationnelle. De chaque côté on ferme les portes de sa communaut é, par des grilles et des agents de sécurité, chez les uns, par des troncs d’arbres et des épaves de voitures surveillés par des gangs d’adolescents armés, chez les autres. Entre ces deux territoires fermés évoluent, dans un espace tampon, les classes moyennes, victimes du ressentiment des classes pauvres à l’encontre des nantis bien protégés. Hors de ces villes, qui deviennent des métropoles, des mégalopoles et de gigantesques conurbations au rythme décuplé de l’accroissement démographique et de l’exode rural, les campagnes sont abandonnées à la production des matières premi ères nécessaires aux centres, au moyen des mêmes réseaux d’«exclaves». Ces campagnes ne peuvent plus, dans la majorité des cas, subvenir aux besoins de leurs habitants, ce qui les enfoncent dans une situation de dépendance croissante face aux centres. Toutes ces «exclaves» liées à la production de biens et de services sont autant d’espaces contagieux. La contagion se matérialise aussi bien par la diffusion dans l’espace que par l’accroissement des espaces illégaux, informels et dérogatoires qui leur sont propres : les bases militaires sur lesquelles on élabore leur protection, les extensions spatiales saisonnières [18.216.186.164] Project MUSE (2024-04-25 16:37 GMT) Les conséquences concrètes du néolibéralisme dans la région caraïbe 121 de l’espace des classes nanties (clubs, tout inclus, îles privées, etc.), les bidonvilles faisant office de cité-dortoir de leurs employés, les prisons...

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