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Chapitre 5 La caraïbe dans son ensemble régional Le cas particulier d’une périphérie proche? Les Antilles ont-elles souffert, dans leur annexion par la force à la zone d’influence des États-Unis, de leur proximité avec le géant nord-américain? Cette forme élémentaire de déterminisme géographique a pu jouer, au moins partiellement, dans l’annexion par «gravité» de la Floride, puis des îles des Grandes Antilles. Cependant, très rapidement, l’importance de ce facteur, la distance, a diminué et, la seule présence entre les mâchoires du continent américain, malgré tout son aspect symbolique, ne pourrait expliquer à elle seule une situation propre à la région caraïbe. Certes, tous les pays d’Amérique centrale connurent au moins une phase d’occupation militaire (la phase 1 évoquée précédemment) à l’exception du Costa Rica. Les pays qui ont subi les interventions les plus fréquentes sont aujourd’hui 96 Géopolitique d’une périphérisation du bassin caribéen les plus pauvres (Nicaragua et Guatemala en Amérique centrale, Haïti dans les Grandes Antilles). Cependant, la méditerranée américaine fut loin d’être le seul espace intégré à l’aire de domination économique des ÉtatsUnis , et plus largement du centre de l’économie mondiale. L’ouvrage de William Blum (2005) et la longue liste d’ouvrages solidement documentés de Noam Chomsky montrent, par exemple, que les États-Unis sont intervenus militairement, diplomatiquement ou financièrement aussi bien en Amérique du Sud, en Asie qu’en Afrique – mais aussi jusqu’en Europe occidentale – pour imposer sur place le rattachementt à une «économiemonde » qu’ils dominent, et dont le bon fonctionnement dépend de l’intégration de périphéries et du respect des règles du commerce inégal résumées par la doctrine néolibérale. Selon l’un des principaux théoriciens du modèle centre/périphérie,«le capitalisme, depuis sa naissance dans la seconde moitié du XVIe siècle, se nourrit [en effet] du différentiel de richesses entre un centre, où convergent les profits, et des périphéries (pas forcément géographiques) de plus en plus appauvries». La période néolibérale a permis, sans doute seulement temporairement , de ralentir le rattrapage économique de l’Asie du Sud-Est, de l’Inde et de l’Amérique latine – «qui constituent un défi insurmontable pour l’économie-monde créée par l’Occident» – en renversant la tendance à la hausse du prix de la main-d’œuvre, des matières premières et des impôts (Wallerstein, 2008). L’émergence économique des pays périphériques n’est pas souhaitée par le centre puisque nuisible au bon fonctionnement du commerce inégal qui se développe de manière globalisée à partir des premières expéditions coloniales portugaises, au XVIe siècle, et trouve sa continuation dans l’application du néolibéralisme au début du XXIe siècle. C’est ce qui nous amènera à remettre en question la doctrine du développement qui servit de façade justificative aux nouvelles pratiques coloniales comme le discours sur le progrès avait servi à l’apogée des empires européens. Doug Stokes (2005) a montré comment la libéralisation a été impos ée au continent américain par les accords de libre-échange (bilatéralement), d’une part, et par les institutions dites internationales (on dit alors «multilat éralement»): «Le capital transnational possède un fort pouvoir d’imposition des politiques qui vont dans son sens auprès de gouvernements élus démocratiquement.» Le Free Trade of the America Act (FTAA), inspiré par le North American Free Trade Agreement (NAFTA) passé par le congrès américain pour le Canada et le Mexique en 1993, a ainsi aidé à démanteler les barrières du commerce, à privatiser les compagnies et les industries étatiques, et à réduire les restrictions quant au déplacement de capitaux. Le FTAA fait de même avec toutes les nations des Amériques à l’exception de Cuba. C’est un modèle fondé sur la domination des firmes multinationales [18.219.224.103] Project MUSE (2024-04-19 20:06 GMT) La Caraïbe dans son ensemble régional 97 qui favorise les investisseurs étrangers les plus influents dans la région: en 2000, le PNB des Amériques était de 11 000 milliards de...

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