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C h apitr e 4 Perspectives théoriques en sciences humaines Le pari d’un pluralisme pragmatique Marie-Chantal Doucet L’idée est placée comme des lunettes sur notre nez et nous ne regardons rien qu’au travers de l’idée. Wittgenstein (2003) Ce chapitre propose de présenter les principales perspectives théoriques au fondement de plusieurs approches de l’intervention sociale1, à l’intention des travailleurs sociaux2. Les grands courants en sciences humaines constituent en effet des discours d’après lesquels les recherches et interventions en travail social se situent, que ce soit en continuité ou en rupture. Encore faut-il en prendre connaissance, en vue d’une formation de base en travail social. Cela nécessite une réflexion plus large, rappelant que le travail social s’insère dans la grande Faculté des sciences humaines. Le travail social, dépositaire pragmatique des sciences humaines, doit en effet s’y voir reconnu comme un contributeur efficace dans les débats théoriques contemporains. 1. Ce chapitre est dédié au regretté Gilles Houle, sociologue de la connaissance et épistémologue, qui liait habilement connaissance et clinique. 2. Plusieurs idées seront tirées d’un article de M.C. Doucet (2009). «Théories du comportement humain et configurations sociales de l’individu», Sociologie et société, vol. 41, no 1, p. 35-53. 90 Le travail social De façon générale, les théories des sciences humaines tentent de répondre à des questions qui ont traversé l’histoire. Les théories ellesm êmes naissent et vivent dans un courant sociohistorique donné. C’est pourquoi il est utile de poser un regard distancié sur ces théories en les considérant d’abord comme des représentations qui s’insèrent dans une histoire de la pensée. Traiter des théories requiert que l’on en fasse l’examen à partir d’un angle particulier, car le sujet est extrêmement vaste. Ce sera à partir d’une sociologie de la connaissance des schèmes d’intelligibilit é proposée par Berthelot que cette étude se situera (Berthelot, 1990). Par ailleurs, il faut aussi s’entendre sur la question à examiner à partir de ces théories, car elles s’intéressent à plus d’un aspect du comportement humain. Ainsi, ces points de vue pour les uns portent un éclairage sur l’univers cognitif; d’autres s’intéressent au domaine affectuel tandis que certains mettent en lumière les enjeux liés à l’exclusion sociale et aux inégalités. Nous examinerons particulièrement la question de l’individu à travers chacune de ces « lunettes » pour reprendre l’expression de L. ­ Wittgenstein mise en exergue. Ce thème majeur des sciences sociales contemporaines questionne directement les praticiens tant dans leurs interventions individuelles que dans leurs actions collectives. En fait, deux éléments obligent à un certain repositionnement épistémologique. D’une part, l’individuation des sociétés contemporaines ne peut être seulement considérée comme un excès de «psychologisme», mais bien comme un processus civilisationnel. D’autre part, la prise en compte des savoirs pratiques (entre autres sur le plan clinique) laisse voir l’insuffisance des grands schèmes explicatifs et la nécessité de contextualiser les connaissances en tenant compte des savoirs des acteurs, observateurs comme observés. Ce tournant épistémologique en sciences humaines accorde une place centrale à l’individu. Il s’agira d’examiner comment les perspectives théoriques du comportement humain traitent de l’individu. C’est à partir de cette démarche que sera posé le pari d’un pluralisme pragmatique (Doucet, 2009). Cette interrogation n’a certainement pas pour but de livrer un traité complet de chacune des théories. Le cadre d’un chapitre ne permet évidemment pas les approfondissements qu’elles mériteraient. Il s’agit plutôt de proposer aux étudiants en travail social un cadre d’analyse de ces discours afin de leur permettre, d’une façon toute didactique, de classer ces théories. Un premier point concernera le renouvellement de la connaissance en sciences humaines et sociales. Nous examinerons ensuite trop brièvement les schèmes, en choisissant un programme qui y correspondrait et qui serait nécessaire à la formation des travailleurs sociaux dans l’axe théorique. Ces schèmes seront eux-mêmes classés selon trois perspectives : transformation, sens, structures. Les intervenants devraient pouvoir ­ repérer à quelle famille théorique, et plus largement à quelle [18.217.144.32] Project MUSE (2024...

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