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CHAPITRE 12 Le soutien territorial de l’innovation Il y a trois décennies déjà, les analystes des facteurs du développement ont assisté à un renouveau de la modélisation du rôle des divers territoires urbains, locaux, ruraux, régionaux, périphériques, métropolitains qui composent les nations. Deux ouvrages imposants ont marqué ce virage territorial en théorie du développement: l’essai magistral de Friedmann et Weaver (1979) et le collectif édité par Stöhr et Taylor (1981). On formalisa cette perspective territoriale comme un paradigme distinct de nature endogène. On rappela alors au passage que l’analyse territoriale bénéficiait d’un ancrage historique remontant à Platon et à d’autres figures classiques s’étant intéressées à la Cité. C’est ainsi qu’il fut offert aux territoires un principe moteur relié à l’intégration horizontale des fonctions déjà structurées verticalement par secteurs distincts tels que l’agriculture, le textile, le transport, la santé, l’énergie, l’éducation, etc. En outre, des composantes typiquement territoriales, telles que les bassins de main-d’œuvre, les effets de proximité, l’entrepreneuriat, la mobilisation sociale, les initiatives innovatrices et le financement des actions locales ont démontré la singularité et la pertinence de cette nouvelle perspective de développement . Au fil de la modélisation, le caractère endogène du développement fut pleinement intégré aux préoccupations de la science économique sous l’angle de la théorie du capital humain (Lucas, 1988) et de ses extensions, notamment le capital social (Putman, 2000), le capital institutionnel (Bachmann, 2003) et le capital de créativité (Florida, 2002). Tant et si bien que les territoires se voient actuellement associés à un levier général qui soutient le développement , par l’entremise notamment de l’innovation (Camagni et Maillat, 2006) et de l’entrepreneuriat (Julien, 2005). 320 Territoires et développement En ce qui concerne la forme territoriale comme telle pour saisir ce levier endogène, l’offre fut aussi imprécise que généreuse. Aydalot (1986) suggéra avec bonheur le concept de «milieu innovateur» et confirma ainsi la pertinence de la méso-analyse de Perrin (1983) et de Planque (1983). D’autres experts préférèrent une analyse en matière de système territorial. Certains analystes italiens proposèrent plutôt une interprétation sous l’angle des districts industriels (Antonnelli, 1986; Bécattini, 1992). Blakely (1989) misa quant à lui sur le traditionnel concept de communauté pour élaborer son processus endogène de mise en œuvre du développement territorial. Alors que d’une manière générale l’échelle locale fut très largement proposée comme nouvelle assise du développement (Joyal, 1987, 2002; Pecqueur, 2000). Cette dernière approche fit d’ailleurs couler beaucoup d’encre, alimentée par l’importante demande sociale d’effets positifs du développement. Plus récemment, l’approche par les zones économiques spécialisées fut particulièrement prisée (Rallet et Torre, 1994; Porter, 2000; Cooke et Morgan, 1998) et donna lieu à une littérature désormais volumineuse. Quelle qu’en soit la forme, le territoire fut très largement introduit comme objet d’une nouvelle lecture des facteurs du développement. 12.1. L’InnOVatIOn mOtrIce L’innovation représente le moteur de la dynamique socio-économique contemporaine. La science économique admet cette vérité depuis une cinquantaine d’années, avec une certaine réticence au début, puisque la théorie keynésienne dominait la réflexion en visant l’équilibre macroéconomique recherché, mais progressivement ensuite, au fil de l’entrée de nos sociétés dans un nouveau grand cycle économique mu largement par l’innovation. Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, aux courts cycles économiques conjoncturels keynésiens se superposent de grands cycles structurels souvent dépendants d’une innovation majeure. À l’ère des nouvelles technologies informationnelles, qui propulsent l’économie du savoir, la compétitivité des entreprises et des nations passe largement par l’innovation sous la forme de nouveaux procédés de production, de nouveaux produits, de nouveaux services, de nouveaux marchés. Le modèle explicatif classique de l’innovation, qu’on associe à Joseph Schumpeter, adopte une forme linéaire (figure 12.1). Il est entendu telle une séquence d’étapes distinctes effectuées en filiation. Différents segments, c’est-à-dire différentes étapes d’une filière...

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