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PRÉAMBULE Selon une superstition médiévale, sous les gibets croissaient des mandragores. Ces plantes, dont la racine avait vaguement forme humaine, auraient été semées là par le sperme des pendus, lequel, prétendait-on, s’épanchait sur la terre féconde. Car, comme le savaient bien les bourreaux, la pendaison avait pour effet physiologique d’engendrer des érections. Ce singulier phénomène n’avait pas manqué d’être constaté et apprécié par les candidats au plaisir qui souffraient autrefois d’impuissance chronique ou sénile, avant que n’existe la fameuse pilule bleue. Une pendaison momentanée pouvait remplacer efficacement l’effet aléatoire des philtres d’amour prétendument aphrodisiaques. Et les sorcières, nombreuses à cette époque de crédulité, venaient cueillir ces mandragores qui passaient pour posséder des vertus magiques. 2 La ballade des pendues Toutefois, au cours de ces curieuses pendaisons érotogènes, certains accidents ne manquaient pas de se produire lorsque le plaisir excédait la prudence ou quand l’excès de volupté entraînait l’inconscience du pendu volontaire. Parmi les célébrités qui eurent recours à cette perversion anodine et qui en éprouvèrent non seulement le plaisir terrestre mais le bonheur éternel, la plus connue fut sans doute le dernier prince de Condé, Louis VI de Bourbon (1756-1830). Sophie Dawes1 , une aventurière anglaise de condition roturière, enseigna d’abord à son noble et riche amant l’art d’atteindre le septième Ciel par de savantes strangulations. Elle avait recueilli et collectionn é ces recettes hédonistes chez les aristocrates anglais dont les épouses, gravement affectées par un puritanisme victorien aigu, se refusaient à livrer leur corps frigide aux perversions libidineuses de leur conjoint. Sophie Dawes avait aussi pour tâche essentielle de couper la corde lorsque son vieil amant atteignait les abysses de la volupté, à l’extrême limite de la vie, au seuil ultime de la mort. Les hommes sont jusqu’à leur dernier soupir, dit-on, tenaillés par des besoins charnels très exigeants, même – et surtout – quand leur corps ne peut plus répondre aux attentes de leur esprit. Cette carence chronique leur laisse des désirs toujours inassouvis et des souffrances permanentes. Les ardeurs sexuelles offertes par la rousse Anglaise au dernier prince de Condé la lui rendirent indispensable. Anoblie à la suite de son mariage avec l’aide de camp du prince, le chef de bataillon Adrien Victor Feuchères, Sophie, nouvelle baronne de Feuchères, devint la riche héritière de l’ultime prince de Condé 1. Née à St.Helens dans l’île de Wight le 29 septembre 1790 et morte à Londres le 15 décembre 1840. [3.145.186.6] Project MUSE (2024-04-24 03:54 GMT) Préambule 3 lorsqu’elle coupa la corde avec quelques secondes de retard. Comme vous en ce moment-même, cher lecteur, certains esprits n’ont pas manqué de qualifier de fort suspect ce tragique retard. Mais laissons les commères dénigrer et les compères fantasmer; ce fut assurément pour ce prince français et pour sa dynastie une fin lamentable que certains hommes affligés des mêmes misères ne se sont peut-être pas privés d’envier. La peine de mort par pendaison fut de tout temps réservée aux roturiers de sexe masculin. Les nobles se réservaient le privil ège de la décapitation par l’épée ou la hache, jugée sinon plus chevaleresque en tout cas moins humiliante. La distinction étant l’arme des aristocrates et des snobs, l’essentiel pour les nobles était de ne pas mourir de la même façon que la plèbe méprisée qu’ils parasitaient sans vergogne. Puis la Révolution égalisatrice de 1789 accorda à tous les citoyens la décapitation grâce au docteur Guillotin. Chez les chrétiens, les tribunaux royaux ou ecclésiastiques ne se limitaient pas à la condamnation à mort des criminels. Les juges et les bourreaux, spécialement au Canada anglais, faisaient preuve d’une grande créativité pour faire expier le pécheur et décourager les candidats potentiels au crime: le marquage au fer rouge2 ou les trente-neuf coups de fouet, conformément à la Bible, qui déclarait «quarante coups moins un3», méthode utilisée jusque dans les années 1960. La peine du pilori4 condamnait le malheureux à être exposé sur une place publique où les...

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