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L’esthétique et la politique du réel dans la littérature aujourd’hui ÉTATS-UNIS Dominique D . FISHER Dominique D. Fisher est professeure d’études francophones et européennes à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill. Ses publications récentes incluent Écrire l’urgence (2007), The Rhetoric of the Other (2003), des articles sur les littératures du Québec, du Maghreb et du Liban ainsi que des articles sur l’interculturalité, l’universalisme et la politique identitaire en France. Le rapport de la littérature au politique depuis les années 1980 se pose non plus en termes d’engagement intellectuel (Sartre) ou d’engagement moral (Barthes), mais plutôt en termes de réhistorisation de la littérature . Le retour de la référence historique dans la littérature dépend de deux facteurs: la reconstruction de la mise en mémoire historique1 et la réémergence de genres littéraires qui concèdent une place croissante à l’expérience, au vécu, telles les «fictions de l’extrême» (Jean-Marie Schaeffer), les« fictions critiques » (Dominique Viart) ou encore, plus récemment, les «fictions 1 . Les années 1980 coïncident avec l’émergence de la phase d’obsession dont parle Henri Rousso dans Le syndrome de Vichy à propos de la reconstruction de la mémoire historique . Benjamin Stora dresse un certain nombre de parallèles entre la Deuxième Guerre mondiale et la guerre d’Algérie en ce qui concerne l’amn ésie historique et l’écriture de l’histoire; il parle même du syndrome de l’Algérie . Voir en particulier Le transfert d’une mémoire et Imaginaires de guerre . 60 L’esthétique et la politique du réel dans la littérature aujourd’hui documentaires» (Emmanuelle Pireyre2 ) . Le manifeste Pour une littératuremonde a également relancé les débats sur l’engagement en revendiquant, outre l’inscription de la littérature dans l’histoire, la rupture du pacte nation-langue et l’ouverture de la littérature vers le Tout-monde et la créolisation, telle que les littératures dites francophones ou «littératuresmondes » la mettent en signe . Dans tous les cas, cet appel à l’expérience et au vécu s’accompagne d’une mise en crise du sujet et de son rapport à l’histoire . Réinscrire la littérature dans l’histoire amène à revisiter la définition canonique de la fiction comme «construction imaginaire3 » . Il ne s’agit plus, dès lors, de penser la fiction dans son opposition au factuel ni d’aborder la question du politique en littérature à partir de l’opposition entre forme et contenu . La littérature contemporaine montre que le politique imprègne autant la forme que le contenu . Nous verrons que penser le politique à partir de l’articulation forme-contenu ouvre une conception du politique qui, au lieu de se centrer sur le contenu, se tourne vers les modes de représentation des discours dits fictifs et factuels . Avant d’examiner les modalités de cette réhistorisation de la littérature, je voudrais revenir sur les conditions à partir desquelles la littérature en France s’est tenue à l’écart du politique depuis les années 1960, alors que la situation a été tout autre au Québec et dans les autres régions francophones du monde . À partir de là, j’examinerai le rapport existant entre l’appel à l’expérience et l’écriture de l’histoire dans les littératures contemporaines et plus particulièrement chez des auteurs, comme Régine Robin et Assia Djebar, dont l’œuvre interroge les modes de représentation des discours fictifs et factuels . La littérature, un genre à l’exclusion de tout autre Contrairement à ce que Michel Le Bris et Jean Rouaud avancent dans Pour une littérature-monde, l’exclusion du politique de la littérature dans la période structuraliste ne signifie nullement le désengagement des 2 . Les « fictions de l’extrême » regroupent les littératures de l’holocauste et des génocides, les «fictions critiques» et les «fictions documentaires» englobent des œuvres relevant du «nouveau nouveau roman» où s’observent un certain retour des référents historiques et culturels et un certain travail scriptural . 3 . Selon Dominique Viart, «[l]a fiction ne s’éprouve pas selon sa définition canonique de “production de l’imaginaire”, mais comme interrogation des représentations (intimes ou sociales) qui traversent le sujet ou le corps social...

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