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CHAPITRE 9 F FORMATION DU JUGEMENT CHEZ LE JEUNE ENFANT UN EXEMPLE D’INTERVENTION PÉDAGOGIQUE EN CONTEXTE DE RÉSOLUTION DE PROBLÈMES MATHÉMATIQUES Nadine Bednarz Université du Québec à Montréal Diane Chapdeleine École Le Noblet-Duplessis La formation du jugement constitue un des enjeux actuels importants de l’éducation, l’intervention faite récemment par la représentante de l’Unesco à Québec, Mme Brenda Pavlic, en témoigne. En réponse à la question fondamentale, à savoir quelle formation faudrait-il donner au finissant du secondaire pour que le Québec demeure une société capable 134 La formation du jugement de faire face à la concurrence, elle soulignait en effet l’importance d’une démarche éducative privilégiant une construction conceptuelle réelle par l’élève, aux dépens d’une simple accumulation de connaissances.«Nul ne doit plus, disait-elle, surtout pendant les périodes où il s’agit de former le cerveau, accumuler les notions, stocker les détails, empiler les conclusions… Il est plus utile d’apprendre aux jeunes à comprendre comment s’élaborent les réservoirs d’informations que de les écraser sous un fatras de faits épars.» Cette construction de sens par l’élève ne peut se faire sans s’appuyer sur le développement d’habiletés critiques. Nous retrouvons ici une deuxième tendance identifiée par l’Unesco, pour nous liée à la précédente: «Les systèmes d’éducation progressistes tiennent à former chez les jeunes l’esprit critique, c’est-à-dire la capacité de remettre les certitudes en question.» Mais comment assurer cette formation du jugement, reconnue par plusieurs comme essentielle en éducation? Montrer un bon jugement signifie, entre autres choses, être capable d’évaluer la pertinence, le caractère approprié d’un raisonnement donné, pouvoir faire un choix éclairé et rejeter au besoin une solution obtenue, autrement dit pouvoir s’engager avec discernement dans un processus de résolution, en percevant la portée et la limite de ce qu’on fait. Cette définition du jugement rejoint, sous certains aspects, celle qu’exprimait récemment Pierre Angers: «Le bon jugement, c’est le sens critique qui n’accepte pas les affirmations sans s’interroger d’abord sur leur valeur1.» Lorsqu’ils sont encouragés à le faire, nous le verrons dans l’exp érience relatée dans cet article, les enfants sont capables, très jeunes, d’élaborer de tels jugements. Leur développement est toutefois lié à la mise en place d’approches pédagogiques qui s’articulent sur une conception de l’apprentissage différente de celle habituellement véhiculée par l’enseignement. Celui-ci instaure en effet un certain contrat didactique définissant les rôles respectifs de l’élève et de l’enseignant dans leur relation au savoir2 . L’accent y est mis sur une accumulation de connaissances par l’élève au détriment de leur signification profonde, laissant de ce fait peu de place au jugement. En œuvrant à l’intérieur d’une conception différente de l’apprentissage et de l’enseignement, où l’élève assume 1. Angers, P. et C. Bouchard (1990). Le jugement, les valeurs et l’action. Montréal, Les Éditions Bellarmin, coll. «L’activité éducative: une théorie, une pratique». 2. Brousseau, G. (1986). «Théorisation des phénomènes d’enseignement des mathématiques», Thèse d’État, Université de Bordeaux 1. [18.227.48.131] Project MUSE (2024-04-18 09:55 GMT) Formation du jugement chez le jeune enfant 135 une responsabilité cognitive dans la construction de ses connaissances, il nous apparaît au contraire possible de contribuer à la formation du jugement chez l’enfant. Certaines innovations pédagogiques, comme celle mise en place dans le Programme de philosophie pour enfants, vont dans ce sens. Elles ont choisi d’œuvrer, pour le faire, dans le cadre d’un programme nouveau, particulier, différent des programmes scolaires réguliers déjà mis en place. Nous pensons, quant à nous, qu’il est possible, en se situant dans le contexte régulier des matières au programme et de leurs contraintes, de développer une telle habileté tout au long de la formation de l’élève. C’est un peu le défi auquel nous nous sommes attaquées, depuis plusieurs années, dans le cadre de l’enseignement des mathématiques , en nous intéressant à la construction de connaissances par l’élève, et à l’élaboration de situations didactiques...

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