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C h a p i T r e 2 la base du méTier Josée Boileau Rédactrice en chef 14 La quête de sens à l’heure du Web 2.0 La quête de sens, c’est la base du métier. Mais avant d’en parler, je pense qu’il faut insister sur le passage du temps: à quel point il y a des façons de faire dans ce métier qui ont changé et dont vous, qui êtes dans cette salle, ne pouvez pas vous rendre compte. Lorsque j’étais étudiante en communications à l’Université du Québec à Montréal, en 1984, j’avais décidé de faire un travail sur les chroniqueurs. À ce moment-là, il y avait quatre chroniqueurs généralistes dans les quotidiens montréalais (je ne compte pas la section Sports). Il y avait Pierre Foglia et Lysiane Gagnon à La Presse, André Rufiange au Journal de Montréal et, au Devoir – ce n’était pas vraiment une chroniqueuse, mais elle avait une façon de travailler qui était plutôt «chronique» –, il y avait Nathalie Petrowski. Quand j’y repense, je me dis que quelqu’un qui voudrait aujourd’hui faire le même travail sur les chroniqueurs n’en finirait plus! Juste à Montréal, avec un seul quotidien, il serait débordé! Il y a vraiment là une transformation profonde du journalisme qui, pour moi, touche à la quête de sens parce que commenter, ce n’est pas la même chose que de faire du «journalisme terrain». Avant, dans mon temps(!), on commençait par faire du terrain, du bas de vignette, des articles de nouvelle et, tout à coup, on prenait du galon. C’est la trajectoire que j’ai connue, et quand j’ai fini par devenir éditorialiste, j’avais quand même presque vingt ans de métier. Aujourd’hui, on trouve de très jeunes gens qui n’ont pas cette expérience de «terrain» et qui vont faire du commentaire, un peu comme ce qu’on appelle aujourd’hui le «journaliste citoyen», qui ne fait que commenter des informations trouvées par d’autres. vérifier, toujours vérifier Ce qui me frappe surtout, c’est à quel point il y a toute une rigueur professionnelle qui n’est pas souvent là dans tous ces commentaires alors que c’est, je le répète, la base. Car la quête de sens pour un journaliste, ça s’appelle vérifier. Encore cet après-midi, j’ai constaté ce manque de vérification. Je travaillais à un éditorial sur la construction au Québec – pas très original ces jours-ci! Mais la nouveauté aujourd’hui, c’était que dans la foulée de la présidente de la CSN qui avait demandé que sur les chantiers de construction, pour contrer l’intimidation, la FTQ arrête de contrôler l’accès aux chantiers et qui avait donc réclamé un bureau de placement indépendant, l’ADQ, reprenant cette demande avait cité deux rapports – celui de la Commission Cliche et celui de la Commission [3.133.156.156] Project MUSE (2024-04-25 08:27 GMT) Chapitre 2 v La base du métier 15 sur le dépassement de coûts de la construction de la Gaspésia – en disant: «ces deux rapports-là, dans leurs recommandations, ils demandaient justement d’avoir des bureaux de placement». J’ai donc fait sortir de notre centre de documentation les deux rapports en question, pour vérifier si c’était effectivement ce qui était recommandé. Pendant ce temps, un journaliste de RDI – un excellent journaliste d’ailleurs – ne faisait que répercuter les propos de l’ADQ en parlant du bureau de placement que recommandait le rapport de la Gaspésia. Or, dans le rapport sur la Gaspésia, ce n’est pas exactement ce que le juge Robert Lesage disait. Il y avait bien plus de nuances que ça et on ne peut pas conclure que c’était ce que le rapport recommandait. Et je me disais: «Voilà quelque chose d’élémentaire qui n’a pas été fait à RDI: vérifier.» Avec le commentaire instantané sur le Web, avec l’information continue, on perd ce temps de vérification. Et c’est peut-être au fond ce qui va sauver le journalisme écrit. Je me dis qu’à l’avenir pour éviter de faire du commentaire ou de simplement répercuter les messages des...

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