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pour en savoir plus… sorTir du brouillard médiaTiQue1 Stéphane Baillargeon Journaliste au secteur des médias 1. Article publié le 10 janvier 2010. 66 La quête de sens à l’heure du Web 2.0 Esprit universel, grand maître de la synthèse magistrale, Marcel Gauchet s’intéresse à la «généalogie de la modernité», à ce qui particularise l’aventure occidentale dans l’histoire humaine. On lui doit des travaux fondamentaux sur l’histoire de la religion, de la psychiatrie, de la démocratie et de l’éducation. Le Désenchantement du monde, paru il y a un quart de siècle, a mis au jour la perte progressive et imparable de la conception religieuse en Occident. Ses derniers essais poursuivent la réflexion en interrogeant L’Avènement de la démocratie, l’invention d’une nouvelle manière de se gouverner sans le recours commode à de divins diktats. Né en 1946, historien et philosophe, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris et au Centre de recherches politiques Raymond-Aron, Marcel Gauchet est également rédacteur en chef de la revue Le Débat depuis sa création, en 1980. Il anime un blogue personnel (gauchet.blogspot.com). Il demeure un des intellectuels les plus atypiques et les plus respectés produits par la France depuis Mai 68. Comment caractérisez-vous la situation actuelle des médias? La situation n’est pas simple à caractériser. Jamais il n’y a eu autant d’information en circulation. Seulement, tout dépend de ce que l’on met sous ce terme et du jugement porté sur la pertinence de cette information. On sait de plus en plus de choses sur de plus en plus de sujets, ça, c’est vrai. On peut accéder à une masse extraordinaire de renseignements sur à peu près tout. Mais est-ce là l’unique fonction des médias? Ne servent-ils qu’à transformer en information la substance du monde? Ce n’est pas sûr. Si on propose une définition plus rigoureuse de l’information comprise comme ce qui nous aide à comprendre ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, il n’est pas sûr que la surabondance actuelle nous fasse gagner au change. Ce pourrait même être un voile qui nous empêche de nous y retrouver. Nous savons de plus en plus de choses sur des choses insignifiantes. Notre grand problème, tout à fait nouveau, revient donc à nous battre contre cette surabondance. Voilà, pour moi, le caractère déterminant de la situation actuelle. Nous sommes passés d’une économie de la rareté, où l’information était rare, chère, difficile à obtenir, à une économie de la surabondance, où on peut se procurer les plans de la bombe atomique en trois cliques et tout savoir sur la vie privée du roi de Thaïlande. En fait, nous sommes en permanence dans le brouillard parce que nous n’arrivons pas à nous [3.149.251.155] Project MUSE (2024-04-24 16:33 GMT) Pour en savoir plus… v Sortir du brouillard médiatique 67 dépêtrer du trop. C’est inédit. Nos cerveaux sont frappés du syndrome de l’obésité. Il y a trop à bouffer et tout le monde s’empiffre. Notre problème revient donc à apprendre à naviguer dans ce flot qui nous déconcerte et où nous avons en vérité de plus en plus de mal à trouver de l’information pertinente éclairante, qui nous donne une prise sur le mouvement des choses. Il peut donc y avoir trop d’information ? C’est difficile à entendre pour un journaliste… Prenons l’exemple récent de la conférence de Copenhague. J’ai été fasciné par la disproportion entre le gigantesque tam-tam médiatique autour de cette réunion mondiale et le fait que, à ce jour, on ne sait pas vraiment ce qui s’est passé dans la négociation. On avait donc mille reporters, toutes les images possibles et imaginables, mais pas ce qui compte! Je viens de lire dans le magazine The Economist le premier texte qui avance au moins un scénario probable, en incriminant les Chinois et en expliquant comment ça s’est passé à peu près, en coulisse, mais sans entrer dans les détails, avec un truc très rapide. Vous voyez la distance temporelle! C’est fascinant de penser au contraste de cette couverture heure par heure...

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