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CHAPITRE 2 LE DOSSIER DE L’ÉTHIQUE AU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL CANADIEN Entre discours, structures et scandales Magalie Jutras, M A , et Yves Boisvert, Ph D École nationale d’administration publique Avec le scandale des commandites et la valse des promesses de renouvellement des infrastructures de l’intégrité, l’éthique gouvernementale a été un élément central du débat politique fédéral, au cours de cette première décennie du XXIe siècle. Ces grandes promesses, qualifi ées parfois d’historiques par leurs instigateurs, étaient-elles vraiment novatrices ou ne faisaient-elles que suivre une logique qui s’est développ ée au cours des dernières décennies du siècle dernier? C’est la question principale à laquelle nous tenterons de répondre ici. Dans cet article, nous allons présenter et analyser l’infrastructure de gestion des comportements des agents publics du gouvernement fédéral canadien, ce que plusieurs nomment l’infrastructure«éthique». Pour ce faire, nous étudierons d’abord les discours politiques en matière de gestion des comportements des agents publics. 54 L’institutionnalisation de l’éthique gouvernementale Cette première analyse de discours nous permettra de connaître les objectifs et les intentions «publics» véhiculés au cours des trente derni ères années par différents hommes d’État canadiens. Cette brève analyse du discours politique qui s’est faite au nom de l’éthique et de la responsabilité devrait être suffisante pour démontrer que les «leaders politiques» ont souvent manifesté des intentions ambiguës qui encourageaient parfois l’autorégulation des personnes, mais très souvent leur hétérorégulation. Nous préciserons ensuite le sens et la nature des principales recommandations faites par trois instances constitutives du dossier de «l’éthique gouvernementale» canadienne: le Bureau du vérificateur général du Canada, le Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique et la Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités de publicité (commission Gomery). L’analyse des recommandations de ces trois instances nous permettra d’affirmer que chacune d’elles reconnaissait l’importance des approches complémentaires en matière de gestion des comportements et manifestait un vif intérêt pour le développement de l’approche autorégulatoire de l’éthique dans le secteur public. Finalement, sans entrer dans les menus détails, nous examinerons les éléments qui composent l’infrastructure de gestion des comportements de l’administration publique fédérale canadienne. Nous étudierons alors les mécanismes et les structures de gestion des comportements qui se rapportent aux instances législatives et exécutives du gouvernement canadien. DES ENGAGEMENTS POLITIQUES ET ADMINISTRATIFS QUI SE SUIVENT… ET SE RESSEMBLENT Au dire de certains agents publics fédéraux, avant les années 1980, aucun besoin de mesures et de dispositifs en matière d’éthique pour le secteur public ne se faisait sentir. C’est en effet ce qu’ont affirmé les coprésidents du Groupe de travail sur les conflits d’intérêts, Michael Starr et Mitchell Sharp, dans le rapport L’éthique dans le secteur public: Nous sommes tous deux [Michael Starr et Mitchell Sharp] entrés au Cabinet, l’un en 1957 et l’autre en 1963, à une époque où il n’existait pas de lignes directrices écrites pour les ministres, pas plus d’ailleurs que pour les personnes nommées par le gouverneur en conseil […] [18.118.30.253] Project MUSE (2024-04-25 10:59 GMT) Le dossier de l’éthique au gouvernement fédéral canadien 55 Il n’existait pas non plus de règles écrites concernant les activités des anciens titulaires de charges publiques. La seule règle était celle de l’honneur1 . Ainsi, pour ces derniers, l’autorégulation des agents publics semblait aller de soi avant 1980, comme si les mœurs et la morale d’alors garantissaient la bonne conduite des agents publics. Était-ce le cas? Nous n’en jugerons pas ici. Nous croyons toutefois que c’est à partir de la publication, en 1984, du Rapport Starr-Sharp sur les conflits d’intér êts (l’une des premières études d’envergure dans le domaine de la gestion des comportements) que s’est amorcé le questionnement sur l’importance de baliser davantage le comportement des agents publics; questionnement qui sera à la base de la construction de l’infrastructure de gestion des...

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