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c h a p i t r e 19 Les politiques québécoises à l’égard des personnes âgées avec des incapacités Combattre ou gérer l’exclusion? Jean-Pierre Lavoie Chercheur d’établissement, Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale (CREGÉS), CSSS Cavendish – CAU Professeur associé, École de travail social, Université McGill Nancy Guberman Professeure titulaire, École de travail social, Université du Québec à Montréal (UQAM) Chercheure membre, Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale (CREGÉS), CSSS Cavendish – CAU Lorsque l’État met en place des politiques gouvernementales à l’égard des personnes âgées qui ont des incapacités, il définit d’abord les services auxquels ont droit ces personnes. Mais ce faisant, il ne fait pas que définir son rôle et ses responsabilités, il définit également les rôles et les responsabilit és de plusieurs autres acteurs qui peuvent intervenir dans les soins aux personnes âgées (Esping-Andersen, 1990 et 1999). Nous pensons ici au secteur communautaire, au secteur marchand (les entreprises privées) et surtout aux familles des personnes âgées. Donc, en établissant ses politiques , l’État donne en quelque sorte réponse à trois questions fondamentales que Jane Jenson (1997) a formulées ainsi. Premièrement, qui prend soin? La collectivité ou la famille? Dans la famille, est-ce uniquement les 414 Vieillir au pluriel femmes ou y a-t-il ­contribution masculine? L’État tente-t-il d’influer cette­ répartition? Deuxièmement, qui paie? La famille, l’État ou les employeurs? Troisièmement, quelle modalité a été adoptée pour la prestation des aides et des soins? Recourt-on aux services publics, au marché ou au secteur communautaire? La réponse à ces questions varie d’un État à l’autre au gré de son histoire, des alliances créées par différents groupes sociaux ou encore de la conjoncture économique, selon Esping-Andersen (1990). Ce dernier, suivi de plusieurs autres auteurs tel Schultheis (1995), a relevé trois types de réponse: l’approche social-démocrate, qui met l’accent sur l’accès universel aux services fournis par l’État; l’approche corporatiste, qui repose d’abord sur la famille et la contribution des employeurs; enfin, l’approche libérale ou résiduelle, qui responsabilise l’individu et le marché (voir encadré). Les trois modèles d’État-providence Dans ses ouvrages classiques, Esping-Andersen (1990, 1999) a défini trois types d’État-providence qui caractérisent l’action des États occidentaux. Dans le modèle libéral, la responsabilité face au risque de dépendance revient d’abord aux individus. Ces derniers doivent compter sur leurs ressources et compétences personnelles et se procurer eux-mêmes, sur le marché, les services et les soins qui leur sont nécessaires. La solidarité familiale intervient en second lieu. Quant à l’État, celui-ci n’exerce qu’un rôle limité et ponctuel auprès de ceux qui ne peuvent compter ni sur leurs propres ressources ni sur celles de leur famille. Les États-Unis, et dans une mesure moindre le Royaume-Uni et le Canada, sont typiques de cette approche. Dans le modèle conservateur ou corporatiste, la protection sociale est assurée par des systèmes d’assurance organisés sur une base de groupes professionnels. La protection est alors un droit conditionnel à une contribution préalable, comme dans tout système d’assurance. Ici, l’État se fie très peu au marché, mais tente d’éviter de se substituer aux familles qui demeurent les premières responsables des soins aux personnes âgées. Cette approche caractérise l’action gouvernementale en Allemagne, en France et en Belgique. Quant au modèle social-démocrate, il se démarque fondamentalement des modèles précédents par son principe de non-dépendance des individus à l’égard de leur famille. L’État se veut garant de cette autonomie individuelle notamment en assumant une large part du travail de soins requis par les personnes dépendantes. L’accès aux services et à l’aide monétaire y est universel et constitue un droit de tout citoyen. Les pays scandinaves sont le prototype de cette approche. Dans ce chapitre, nous analyserons le positionnement de l’État­ québécois. Pour bien saisir ce positionnement, nous devons porter notre attention sur trois types de mesures ou de moyens d’action qui sont à sa disposition (Barusch, 1995...

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