Vieillir au pluriel: Perspectives sociales

Chapitre 17 - Vieillir en milieu urbain: les enjeux liés à l’exclusion

c h a p i t r e 17 Vieillir en milieu urbain Les enjeux liés à l’exclusion Anne-Marie Séguin, Ph. D. Professeure, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Centre Urbanisation culture et société La lutte contre l’exclusion des personnes âgées met en cause la ville sous plusieurs angles qui s’entrecroisent, soit ceux de la ségrégation résidentielle sur la base de l’âge, de l’accessibilité aux ressources urbaines publiques et privées, de la capacité des milieux de proximité à soutenir les personnes âgées plus vulnérables, des conditions territoriales nécessaires au maintien de l’autonomie résidentielle des personnes âgées dans un contexte de changements profonds qui atteignent la famille (Walker, 2002) mais aussi parallèlement les espaces urbains. Les municipalités et plus globalement les acteurs collectifs locaux se trouvent ainsi interpelés quand il s’agit de lutter contre exclusion sociale des personnes âgées. Une ville, et a fortiori une métropole en raison de sa taille et de la variété de ses fonctions et souvent de ses habitants, n’est pas une entité homogène. Il suffit de s’y promener pour observer la variété des paysages sociaux et physiques. En ce qui concerne plus particulièrement les milieux résidentiels, cette hétérogénéité tient à plusieurs dimensions. Les quartiers se différencient sur le plan de leur composition selon l’âge, les groupes ethniques, ou encore les couches sociales ou socioprofessionnelles qui y habitent. Ils se distinguent aussi en fonction de la qualité différenciée du cadre bâti ou de l’environnement physique ou encore de la quantité et de la qualité des ressources urbaines, c’est-à-dire des services et équipements 370 Vieillir au pluriel publics et privés, que l’on y retrouve. Ils se différencient aussi sur le plan de la vie associative qu’ils abritent dans leurs murs, de la qualité des institutions , etc. Cet éventail des combinaisons possibles conduit forcément à des différences de qualité de milieux de vie ou, dit autrement, de quartiers. L’espace ou le territoire est donc loin d’être un support neutre où les individus vivent: est porteur d’inégalités. Un autre angle d’analyse du thème du vieillissement à partir d’une approche territoriale est celui de la gouvernance urbaine. Les villes sont de plus en plus interpellées par les gouvernements, les agences gouvernementales décentralisées et les groupes de défense des personnes âgées, comme acteur appelé à jouer un rôle grandissant dans le soutien aux personnes âgées, surtout celles qui connaissent une réduction de leur mobilité et de leur autonomie (Fédération nationale des agences d’urbanisme, 2005; Harvey, 2000; Ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir du Québec, 2004; Société d’habitation du Québec, 1999). La décentralisation de certaines responsabilités, de services destinés à certaines catégories de population dont des personnes âgées, vers les municipalités est de plus en plus souvent évoquée. Or les villes ont-elles les moyens d’appuyer leurs aînés et à quelles conditions? La décentralisation est-elle garante d’équité au sein même du groupe des aînés (Séguin, 2005)? Les municipalités peuvent-elles devenir des acteurs importants dans les caring regimes pour reprendre les termes de Jenson (1997) pour les personnes âgées en perte d’autonomie et si oui à quelles conditions? Par ailleurs, comme les municipalit és sont plus près des citoyens que les autres paliers de l’État, on peut se demander si une décentralisation vers le local de certaines responsabilités liées au vieillissement est susceptible de permettre aux personnes âgées d’être des actrices plus importantes dans l’identification des principaux obstacles à leur bien-être et des solutions pour les réduire, à défaut de les éliminer. Un autre aspect de la vie dans une métropole qui est, par définition, une agglomération de grande taille est celui du maintien de liens sociaux de proximité. Dans une société dont les membres sont de plus en plus mobiles au plan résidentiel, on observe une dispersion des lieux de résidence des membres d’une même famille (enfants, petits-enfants, frères et sœurs) non seulement sur l’ensemble du territoire d’une même...