Les défis d'une mondialisation solidaire

Chapitre 3 – Revisiter la démocratie et le développement

3 Revisiter la démocratie et le développement Toute société démocratique a des fondements sociaux collectifs qui reposent sur la citoyenneté et la solidarité entre citoyens. Avant tout, une solidarité intergénérationnelle: un développement social dans la durée assurée par une couverture sociale obligatoire et généralisée de l’éducation, de la santé et des services sociaux par exemple; une solidarité entre les différents groupes de la société qui favorise la résolution des conflits par la négociation sur la base du droit communément admis par tous; une solidarité des territoires par le développement de services publics et collectifs dans toutes les communautés (équité territoriale). Démocratie et développement sont deux faces d’une même réalité qui, dans une bonne mesure, se superposent et s’enrichissent mutuellement. 36 Les défis d’une mondialisation solidaire IMPÔT, ASSOCIATIONS CITOYENNES ET DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS, LA BASE CITOYENNE DE LA DÉMOCRATIE L’impôt, la base de notre citoyenneté Au point de départ, la démocratie repose sur une philosophie politique qui donne à l’impôt le fondement premier de la citoyenneté. En d’autres termes, une fiscalité obtenue sur un financement librement consenti des citoyens d’un même pays, un impôt qui est le prix payé pour avoir collectivement des enseignants, des infirmières et des travailleurs sociaux, des routes, de l’électricité à moindre coût, une collecte sélective des déchets, des espaces aménag és pour les loisirs, des mesures en faveur de l’emploi des jeunes, en faveur de l’habitat coopératif… Réalité souvent oubliée dans les pays du Nord, notamment par les générations qui n’ont pas eu à lutter pour que leur société en arrive là et qui se disent trop taxées. Réalité insuffisamment existante dans les pays du Sud. N’empêche! Quel est le sens de ces prélèvements obligatoires? Si l’impôt est le prix que l’on paie comme citoyens pour avoir des services collectifs, cet impôt est la première expression forte de la citoyenneté et de la démocratie. Parce que l’argent des impôts sert à financer des services publics accessibles à tous, favorise une certaine redistribution de la richesse et agit sur l’économie et l’emploi, le développement des communautés et des régions… La force de ce lien entre citoyenneté et impôt est le point de jonction de la redistribution de la richesse et de la démocratie, le passage obligé pour que la liberté et la fraternité riment avec l’égalité. C’est là toute la base des relations entre l’économie et nos institutions démocratiques. En réduisant les institutions à la démocratie de représentation et en réprimant les mouvements sociaux, le néolibéralisme laisse l’économie à elle-même et considère la croissance comme la source automatique du progrès social et culturel. La démocra- Revisiter la démocratie et le développement 37 tie fonctionne autrement: elle s’appuie en premier lieu au plan national sur les élus qui nous représentent dans les débats parlementaires, par des commissions sur les dossiers chauds (santé, agriculture…) et au plan local sur des gouvernements dont l’importance est de plus en plus croissante par rapport aux gouvernements centraux. Mais la démocratie n’est pas que représentative. Elle est aussi faite de milliers d’associations de toutes sortes: des syndicats de travailleurs, des organisations qui soutiennent le développement socioéconomique de leur communaut é, des organisations de coopération internationale, des groupes de femmes, des coopératives, des réseaux de jeunes, des organisations d’agriculteurs, des réseaux d’entraide… Les associations citoyennes: une autre facette de la démocratie Du mouvement des droits civiques aux États-Unis avec Martin Luther King à Saul Alinsky qui fait de l’organisation communautaire dans les quartiers populaires de Chicago et à César Chávez qui organise en syndicats les travailleurs agricoles des États du Sud (Californie…), toute une tradition démocratique d’associations citoyennes s’est bâtie dans les années 1960-1970 sur la revendication de droits sociaux. Puis, dans les années 1980 et 1990, c’est le développement d’alternatives socioéconomiques dans les...