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La réussite scolaire atypique de la famille au cercle vertueux Benjamin CASTETS-FONTAINE Sociologue et chercheur associé LAPSAC, Université Victor Segalen-Bordeaux II Pourquoi, avec un minimum de capitaux culturels et économiques, de rares élèves issus des « milieux populaires » excellent scolairement ? Une telle interrogation sociologique plus fréquente aujourd’hui qu’hier à propos des réussites scolaires atypiques mérite, selon nous, d’être poursuivie et davantage développée. Les sociologies classiques françaises de Bourdieu (194) d’un côté et celle de Boudon (1973) de l’autre, toujours convoquées quand il s’agit d’expliquer l’école « vue du ciel », achoppent face à de tels « cas déviants ». Ne s’intéressant qu’aux nuages de corrélations, et non aux quelques individus placés à l’extérieur de celui-ci, ces modèles explicatifs bien « huilés » sur le plan macrosociologique se grippent dès que l’on en vient à des préoccupations microsociologiques . La sociologie de l’inégalité des chances scolaires, depuis le milieu des années 1980, cherche à combler ce déficit de compréhension en apportant régulièrement des éléments d’explication au cas des réussites atypiques. Fréquemment, lorsqu’il s’agit d’expliquer de telles réussites, les hypothèses s’échafaudent sur l’institution familiale. Dans la littérature des réussites atypiques, la famille est ainsi mise au premier plan et les autres (f)acteurs sont soit relégués au second plan, soit absents de la 1. Ce texte est issu de ma thèse, soutenue en 2008, intitulée Le cercle vertueux de la réussite scolaire : le cas des élèves de Grandes Écoles issus de milieux populaires. 74 Benjamin CASTETS-FONTAINE démonstration. Pour éviter tout malentendu, ceci ne signifie pas pour autant que les travaux rejettent ou ignorent les autres (f)acteurs de ces réussites. Mais la part belle revient à la famille2, voire à la parenté. Notre recherche s’inscrivant dans le prolongement de ces études, dans celui de la question de l’égalité des chances et des réussites atypiques, se distingue pourtant à plus d’un titre. Tout d’abord, elle se démarque des études précédentes en explorant un terrain relativement vierge. Elle s’intéresse, pleinement, en effet, aux élèves inscrits dans les plus Grandes Écoles françaises (GE). Celles-ci se définissent le plus souvent par un entrelacs de caractéristiques: prestige ancestral, renommée nationale ou internationale, liens fréquents et étroits avec les corps d’État français. En outre, les GE sont celles qui recrutent, généralement par concours, les meilleurs élèves de Classe préparatoire aux Grandes Écoles (CPGE), élèves déjà triés sur le volet à la sortie du cycle secondaire. Accéder aux GE reste le privilège d’une poignée d’élèves. Ces institutions transformant l’élite scolaire en élite sociale demeurent la chasse gardée des élèves issus des catégories sociales supérieures. Les élèves de «milieux populaires» s’y retrouvent quant à eux en infime proportion3. Ensuite, lorsque nous confrontons les études existantes sur les réussites atypiques à notre terrain, nous ne retrouvons que partiellement leurs résultats. En effet, en partant de quarante-cinq élèves de GE issus de «milieux populaires» étudiés à partir d’entretiens compréhensifs approfondis4, nous observons que leur réussite ne se réduit pas à une affaire de famille. 2. Voir par exemple Lahire (1995), Laacher (1990), Laurens (1992), Zéroulou (1988) et Chouarra (2005). 3. Voir à ce propos Euriat et Thélot (1995) et Albouy et Wanecq (2003). Par ailleurs, c’est environ 5 % d’une génération qui entre en CPGE (Baudelot et al., 2003). Seule une minorité de ces élèves de classe préparatoire – de ces 5 % – finissent dans les GE. Au sein de ces établissements, les élèves issus des « milieux populaires » sont largement sous-représentés. 4. Dans notre étude, nous entendons par élèves de « milieux populaires », les élèves dont les parents (père et mère) sont peu diplômés (au maximum un baccalauréat, diplôme permettant d’accéder aux études supérieures) et appartiennent aux P.C.S. suivantes : ouvriers, employés, petits artisans et commerçants, petits agriculteurs. Les entretiens, réalisés auprès d’élèves de Grandes Écoles issus de « milieux populaires » se sont déroulés...

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