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Chapitre 6 : Voir et se représenter : Du macabre au morbide – les aléas de l’émotion à tout crin
- Presses de l'Université du Québec
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6 C H A P I T R E VOIR ET SE REPRÉSENTER Du macabre au morbide – les aléas de l’émotion à tout crin UNE REPRÉSENTATION AXÉE SUR L’ÊTRE, MAIS QUEL ÊTRE? Sans que ce soit d’emblée discernable, toute société se situe en regard de l’être précisément dans la manière de vivre avec la mort et avec ce que celle-ci suscite dans le balancier entre être et non-être. Aucun groupe n’y échappe. Les discours l’intègrent ou la dénient – un jeu de forces s’exerce –, les conduites sociales lui confèrent un sens et parent sa contagion imaginaire par une production symbolique, et parmi elles, les images offrent une fenêtre à l’allégorie. Ces procédés admettent la mort et introduisent ainsi un écart indispensable avec elle. Pour les individus comme pour les cultures, un même principe s’applique: l’humain existe, véritablement adossé à la conscience et à la prise en compte de la réalité de la mort dans la vie. La différenciation, on l’a souligné, s’ancre à même ce mouvement, qui irrigue le cours de la vie et l’entraîne vers des paysages toujours variés. En revanche, une société axée sur l’avoir tend à mettre la mort de côté dans la mesure où celle-ci, en abolissant ses prétentions d’accumulation , lui fait carrément outrage (cela ne signifie pas qu’une société plus 160 La fascination – Nouveau désir d’éternité axée sur l’être n’accumule pas, ce dont fait foi le testament). Aussi le mot d’ordre et la jauge de validité sociale portent-ils sur l’accumulation, ne se bornant pas aux biens matériels, mais essaimant dans les prestiges et tous les fleurons de séduction. Du coup triomphe cette défense contre l’angoisse et l’angoisse de la violence, à savoir la boulimie expansionniste, qui infiltre l’être quand celui-ci se braque à être «plus» que simplement «mieux». Dans ce contexte, la mort apparaîtra encore plus annihilante, car en dépit de l’accumulation d’objets – notamment de fascination – finement«sécurisés», notre bonheur n’est jamais assuré et n’est jamais parfait. Et cela, hachure radicale pour l’être qui aime, la mort nous le plaque au visage. Elle met en évidence notre vie secrète, celle justement veinée de hors-avoir. C’est qu’une société axée sur l’avoir n’apprécie pas de concevoir l’invisible, non seulement ce qui ne se perçoit pas au premier abord, mais encore la possibilité que des mondes hors de sa vision puissent évoluer, lumières et ombres différentes, surtout quand ce qui émane de ces ombres lui porte… ombrage. LA FASCINATION POUR L’APPARENCE ET L’HYPERTROPHIE DU REGARD Cette amorce à partir d’une distinction interculturelle entre être et avoir, au vrai, rudimentaire, met en cause le rapport au visible, déjà signalé alors qu’on examinait la séduction et ce qu’elle révélait d’une idéologie de la fascination, fondée sur une hypertrophie de l’œil et la survalorisation du regard. Contribuant à cette hypertrophie, le culte de l’apparence, qui n’est cependant pas que physique, car en se développant dans le format mental X-Large, il enfante une conception de l’apparence comme manière d’êtreau -monde. Cet engouement à l’endroit du premier coup d’œil et de l’assentiment à une tournure normative serait indicatif de l’assujettissement à l’idéologie de la fascination – bien sûr «dénégé» puisque l’assujettissement , c’est toujours pour les autres… Séduction s’étayant sur l’apparence, car il s’agit de conjurer le vide, de combler les vides, avec le concours d’autres cultes ou d’autres objets de fascination: celui de l’immédiateté et de l’ego, les deux allant de pair, puisque lorsqu’on est coincé dans le temps, on ne peut voir que soi, en réclamation assidue et insatiable de [44.222.92.134] Project MUSE (2024-03-29 08:43 GMT) Voir et se représenter 161«reconnaissance1 », rejoignant ici une autre piste d’indifférenciation, dans l’identité à protéger. On ne peut prendre le temps de sonder l’être, puisque la fascination implique que nous en restions aux aménagements de façade. Mais acquérir...