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Introduction L’agriculture est, comme le mot le fait assez entendre, l’art de cultiver la terre. Cet art est le premier, le plus utile, le plus étendu, et peut-être le plus essentiel des arts. Encyclopédie Diderot (1751) L’agriculture: une activité unique, pourquoi? L’agriculture est née de la domestication d’espèces végétales et animales dont nos ancêtres ont entrepris d’exploiter la valeur nutritionnelle et le travail. Depuis lors, sa fonction première a consisté à fournir des aliments à l’humanité et aux animaux domestiques . Or son rôle ne saurait se limiter à cette seule fonction nourricière, aussi fondamentale soit-elle. L’agriculture en tant que forme d’art? Si l’idée doit être remise dans le contexte des Lumières qui lui a donné jour, elle n’en demeure pas moins pertinente aujourd’hui. L’agriculture est le fruit du travail de paysans qui aménagent le sol et le territoire de façon à les rendre propices à la vie d’espèces choisies. Il s’agit là d’un processus de création qui nous semble soutenir la comparaison avec la démarche 2 Une seule terre à cultiver artistique. Cet aménagement dynamique du territoire est aussi à l’origine de rythmes écologiques désormais nécessaires à la préservation des écosystèmes ruraux. Il forge de plus des paysages qui évoluent au fil des récoltes et des saisons. L’environnement de même que le régime alimentaire et le travail constituent autant de fondements identitaires des sociétés. L’agriculture joue donc un rôle culturel important, et la richesse ainsi que la variété du patrimoine culturel de notre planète en dépendent. L’agriculture est enfin – certains diront surtout – une activité économique majeure. Elle constitue en 2007 le gagne-pain de plus de 35% des travailleurs du monde, et est uniquement devancée à cet égard par le secteur des services, catégorie beaucoup plus large (ILO, 2008). Au 1,1 milliard de travailleurs agricoles s’ajoutent ceux à qui l’agriculture procure une source secondaire de revenus ou d’aliments. L’une des raisons expliquant que tant de personnes œuvrent dans la filière agricole est qu’elle consiste en une activité dite à forte intensité de travail: il suffit d’avoir vu des riziculteurs à l’œuvre pendant la récolte pour le comprendre. Le riz est d’ailleurs un cas particulier, car il s’agit, dans bien des cas, d’une culture sous-mécanisée. À l’opposé, on compte souvent autant de tracteurs que d’agriculteurs dans les champs de maïs ou de blé des grandes plaines nord-américaines. Dans de tels cas, à l’intensité du travail s’ajoute celle des investissements requis pour se procurer, faire fonctionner et entretenir les machines dont le travail remplace celui des humains. La facture induite par l’intensité des investissements est parfois partagée entre les agriculteurs et les gouvernements ou, par extension, entre les agriculteurs et l’ensemble de la société. Certains pays, pour la plupart développés, ont effectivement adopté des mesures de soutien aux agriculteurs. En 2007, la valeur de la production agricole des pays de l’OCDE dépassait les 1 016 milliards de dollars1. La même année, le soutien public accordé aux agriculteurs de ces pays, ou l’estimation du soutien aux producteurs (ESP), était chiffré à plus de 258 milliards de dollars, soit l’équivalant de 23% des revenus agricoles. Il s’agissait d’un recul de trois points par rapport à l’année précédente, recul attribué à une hausse de 20% du prix moyen des denrées alimentaires en 2007 (OCDE, 2008b). Les plus importantes contributions en valeurs nominales ont été versées aux producteurs de viande bovine et de riz et elles atteignaient respectivement 20,6 et 17,7 milliards de dollars (OCDE, 2008b). À ces subventions s’ajoutent des mesures protectionnistes tarifaires et non tarifaires, à commencer par les taxes à l’importation, le Canada figurant parmi les États qui y ont le plus recours. En effet, «les tarifs douaniers applicables dans une nette majorité de pays atteignent rarement les niveaux fixés comme soutien au régime de la gestion de l’offre au Canada» (CAAAQ, 2008). Aussi le beurre étranger y est-il 1. À moins que plus de précisions ne soient fournies à propos des devises mentionnées dans cet ouvrage, le dollar américain est la monnaie à laquelle nous...

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