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Conclusion Des raisons de remettre en question, de fond en comble, notre façon d’habiter la planète Rodolphe De Koninck Étant donné la richesse et l’originalité tout à fait exceptionnelles de ce recueil, on ne saurait en résumer tous les éléments essentiels en quelques paragraphes. Son contenu est structuré de façon telle qu’un grand nombre de questions, d’enjeux et de défis y sont clairement exposés, même si parfois succinctement, tant dans la première partie que dans les réponses des 23 experts consultés. Ainsi, le lecteur saura trouver réponse à des questions bien précises qu’il pourra être appelé à se poser, concernant tel ou tel enjeu agricole ou alimentaire. Cela dit, ces questions, enjeux et défis peuvent parfois paraître dispersés, épars, sans lien. Pourtant, il n’en est rien. Quelles que puissent être leurs singularités respectives , un fil, un postulat plutôt, les relie, les conduit. Il apparaît sous diverses formes à travers tout le recueil et pourrait être énoncé ainsi: la spécificité de l’agriculture est telle qu’elle ne saurait être réduite aux seules exigences du triumvirat que constituent 162 Une seule terre à cultiver l’urbanisation, l’industrialisation et la mondialisation, sans qu’en résultent des conséquences graves au plan de la survie des écosystèmes et, plus encore, de notre civilisation. Qu’est-ce à dire? Au moins les caractéristiques, conséquences et exigences suivantes, toutes reliées. 1. Plus que tous les autres grands secteurs d’activité humaine, la production agricole est dépendante des conditions naturelles: du climat, du relief, des sols. L’histoire de l’agriculture a largement consisté, d’abord, en une adaptation à ces conditions, puis, de plus en plus, en une tentative d’affranchissement de ces conditions. C’est bien sûr ce que représentent l’irrigation, la mécanisation, le recours aux engrais industriels, aux pesticides et aux insecticides, ainsi que les manipulations génétiques. Tout aussi fondamentalement, bien que moins évidemment à première vue, le commerce des produits agricoles, pratiqué à une échelle sans cesse élargie, représente une autre forme d’affranchissement. Toutes ces réalisations de l’agriculture participent de la longue histoire même du progrès scientifique. L’on sait en effet combien les recherches et les découvertes scientifiques ont souvent été attribuables à ces incessantes tentatives d’affranchissement de l’agriculture ou, plus simplement, d’amélioration des conditions de production. Les meilleurs exemples en sont les liens étroits qui ont existé dès l’Antiquité, en particulier en Mésopotamie, entre d’un côté les balbutiements de l’irrigation et de l’hydraulique agricole, et de l’autre l’observation des astres et donc le développement de l’astronomie et les progrès mathématiques, sans oublier l’invention de la roue pour le transport des produits agricoles. 2. Au départ, il n’y a là bien sûr rien de regrettable. Cependant, précisément à cause de cette dépendance innée de l’agriculture à l’endroit des conditions naturelles, les demandes de la première se sont, petit à petit, transformées en pressions sur les secondes. À l’image de l’humanité tout entière, l’agriculture, son activité première, s’est mise à exagérer ses demandes, à faire pression de façon abusive sur la nature. C’est ainsi qu’au-delà de l’étonnante capacité de cette dernière à s’adapter à l’homme, à se reproduire, à se renouveler et à s’autoréguler, sont apparus des signes de dégradation environnementale et de transformation de la « nature», voire de destruction pure et simple des ressources. Pourtant, dès le xixe siècle, mais apparemment sans beaucoup d’effets, de grands penseurs, tels que le diplomate écologiste américain George Perkins Marsh (1801-1882) et le géographe anarchiste français Élisée Relus (1830-1905), avaient sonné l’alarme devant l’influence parfois néfaste de l’activit é humaine et en particulier de l’industrialisation et de l’urbanisation sur la nature. Dans des travaux célèbres, notamment The Earth as Modified by Human Action (1864 et 1877) et Histoire d’un ruisseau (1869), ils ont évoqué les dangers de la déforestation, de la croissance industrielle et urbaine tout comme de la pollution des eaux. [18.221.165.246] Project MUSE (2024-04-24 05:06 GMT) Conclusion 163 3. Industrialisation...

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