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CHAPITRE 17 À la défense de la science Peter Hechtman La domestication de la religion est une des réussites dont la civilisation occidentale peut être fière. La disparition de la religion du domaine public est un phénomène qui a pris plusieurs siècles. Si l’on devait donner une date ou un événement marquant le début de l’éclipse de la religion en Occident, l’auteur aurait choisi l’année 1648, fin de la guerre de Trente Ans. Ce conflit, point culminant d’affrontements armés entre catholiques et protestants tout au long du xvie siècle, s’est conclu, comme dans toute guerre, par des millions de morts et de blessés, la destruction de fermes et de boutiques, sans que géopolitiquement aucun changement fondamental s’opère dans la mosaïque des confessions qui a marqué le paysage politique allemand, cause de cette guerre. Désormais, les dirigeants devaient renoncer à faire couler le sang pour des raisons religieuses. Il est malheureusement notoire que, malgré l’éclipse de la religion en Occident, la violence, la barbarie, la cruauté et le fanatisme ont continué. Au xviiie siècle, des monarques progressistes, tels que Frédéric Le Grand et Joseph II d’Autriche, ont élaboré des concepts de citoyenneté transcendant l’appartenance religieuse. Et puis ce fut la Constitution américaine, texte des lumières par excellence, qui établit succinctement la 170 Science et religion en éducation nouvelle relation entre les autorités religieuses et les autorités civiles. Il fallait ériger un «mur de séparation» entre l’Église et l’État. Dans cet essai, nous abordons la perméabilité de ce mur, quant à une fonction particulière que l’on sait désormais être du ressort de l’État, soit l’administration des établissements scolaires. Il est important de comprendre que ce «mur de séparation» visait à protéger ces deux institutions l’une contre l’autre. Ainsi, alors que de nos jours la principale menace semble être l’envahissement de la société séculaire par la religion, on craignait surtout, aux xviiie et xixe siècles, la suprématie de l’État sur les Églises. Ainsi, la liberté de culte était tout autant un élément essentiel du «mur de séparation» que la crainte de la théocratie. Si l’on veut donner un sens à la liberté de religion, c’est la liberté d’enseigner mais également de prêcher. Les instances religieuses se considèrent comme des «communautés de fidèles» où les croyances communes unissent non seulement les générations présentes, mais aussi les générations passées et futures. Ainsi, ces communautés, pour survivre, doivent avoir les outils pour transmettre des croyances fondamentales, la connaissance des textes sacrés et les traditions tribales. À une époque où les autorités publiques exercent un certain contrôle des établissements scolaires et les gèrent au nom d’une collectivité aux diverses croyances religieuses, quels droits à l’enseignement les écoles religieuses peuvent-elles revendiquer? Tant que les autorités religieuses se limiteront à offrir leur programme traditionnel, appelé habituellement «école du dimanche», ces activités ne dérangeront pas l’État. On présume que, dans ce cas, les églises enseignent dans des domaines où les autorités civiles n’ont pas le droit de s’aventurer et, de toute façon, les élèves de ces écoles dominicales sont censés abandonner leurs identités religieuses en passant les portes de leurs classes le lundi. Mais ce n’est pas aussi simple! Les sentiments humains et les activités les exprimant ont tendance à déborder des frontières sociales dressées pour ceux-ci. La religion ne se borne pas aux cantiques, aux prières et aux psaumes. L’existence même des écoles confessionnelles sous-entend une critique de la société laïque sur plusieurs plans. Bien entendu, le précepte général est que la société laïque est «impie» ou «amorale» et que l’enseignement religieux, mais également l’enseignement de toutes les matières influencées par la religion, est un contrepoids nécessaire à cette amoralité. Ainsi, dans les cours de santé, les élèves peuvent apprendre que l’abstinence est le seul moyen d’éviter les maladies transmissibles sexuellement, dans les cours d’histoire que l’Histoire est le plan de Dieu pour l’humanité et les cours de biologie peuvent enseigner le...

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