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CHAPITRE 9 LES PAYSAGES AU RISQUE DES POLITIQUES Jacques Bethemont Traiter de la relation entre paysages et politiques paysagères est rien moins qu’évident, s’agissant d’un thème foisonnant. Va pour la politique qui est circonscrite entre hiérarchies spatiales et jeux d’acteurs. Mais les définitions du paysage que donnent les spécialistes de la question vont de l’élitisme de Roger (1997) à l’ample propos de la Convention européenne du paysage formulée en 2000: «une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action des facteurs naturels ou humains et de leurs interférences». Tout en appréciant l’ouverture qu’appelle cette définition, on peut y ajouter celle que professent les Africains. Ils ignorent le mot paysage mais y substituent la notion de territoire lignager avec le regard et la charge affective que cela implique, cette terre est la terre que nous ont léguée nos ancêtres et que nous devons transmettre à nos enfants, de sorte que nous sommes les gérants et non les propriétaires de cette terre et de ce qu’elle 164 Le paysage porte et que les vivants doivent des comptes aux ancêtres et à ceux qui ne sont pas encore nés1. Cette dernière définition, qui pourrait être celle du développement viable, complète heureusement la formule associant les facteurs naturels et humains dans la construction paysagère, en introduisant l’idée d’un continuum dans lequel le présent n’est qu’un maillon dans une chaîne qui relie le passé, et donc l’idée de patrimoine, à un futur qu’il convient de prendre en compte dans les démarches du présent. Autant dire que tout paysage, qu’il soit urbain, rural ou protégé dans sa dimension «naturelle », relève de choix politiques qui vont de l’implicite au normatif. Si ces choix sont appelés à changer d’une époque à l’autre, s’il peut donc y avoir aussi bien rupture que continuité paysagère, il y a en tout état de cause des paysages qui peuvent être diversement appréciés mais qui s’inscrivent dans un continuum de temps: les paysages changent mais ils ne meurent pas. Cette approche liminaire peut servir de fil conducteur à une étude des relations entre paysages et politiques. S’impose au premier chef la présentation des temps du paysage, suivie de l’analyse des situations actuellement observables dont certaines témoignent de la présence ou de la récurrence du passé, alors que d’autres préfigurent les temps à venir. Peut-être convient-il de préciser d’entrée de jeu que le continuum temporel servant de fil conducteur à cette réflexion n’est pas exempt de ruptures et que l’analyse de ces ruptures ou de ces dérives ne permet pas d’augurer d’un avenir radieux. LES TROIS TEMPS DES POLITIQUES PAYSAGÈRES Tout déterminisme simplet mis à part, les relations des groupes humains avec les territoires qui forment l’assise de leurs activités peuvent se ramener à deux, voire trois modèles fondamentaux. Dans le premier, les hommes doivent composer avec un milieu naturel qui les domine plus qu’ils ne le dominent. Dans le second, la multiplication des savoirs et des forces techniques donne l’impression – mais il se pourrait qu’il s’agisse là d’une illusion – que l’homme maîtrise les contraintes naturelles. Savoir toutefois quelles sont les limites à cette maîtrise et si certains paysages ne transgressent pas lesdites limites quand bien même celles-ci seraient d’une 1. Les «maîtres de la terre», vallée du Sourou (Burkina Faso). Définition relevée en 2002 dans le cadre d’une enquête de terrain, auprès d’un groupe d’anciens qui n’avaient par ailleurs aucune connaissance des thèses de Hans Jonas, ce qui ne les empêchait pas de mettre en pratique le principe de responsabilité. [18.224.37.68] Project MUSE (2024-04-25 21:37 GMT) Les paysages au risque des politiques 165 dangereuse fluidité. Apparaîtrait à ce niveau un troisième type de relations entre l’homme et la nature, caractérisé par le constat de déséquilibres. En dépit de cette formulation qui suggère le passage de modèles anciens à d’autres modèles actuels ou futuristes, force est de constater...

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