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INTRODUCTION Le projet de recherche Cette portion choisie du patrimoine oral québécois que représentaient les contes folkloriques, à l’état vif de leur narration, a atteint sa phase terminale de désuétude. La chaîne parlée de la tradition s’est brisée graduellement, comme on sait, avec l’avènement de la radio d’abord, de la télévision ensuite. Les soirées québécoises à la campagne ou dans les chantiers forestiers ne résonnent plus du récit rassembleur du héraut-conteur capable de tenir en haleine son auditoire par le seul jeu merveilleux des exploits de Tit-Jean, le personnage imaginaire aimé de tous, doué opportunément de toutes les compétences, rusé à l’extrême dans ses manipulations hasardeuses, comblant à souhait les attentes des auditeurs qui applaudissaient alors à la récompense qui lui était finalement décernée, le plus souvent son mariage avec une princesse. Si, d’aventure, çà et là, resurgit une parole racontante, c’est qu’il se pratique une réanimation artificielle, sous forme d’enquête folkloriques, pour sauver de l’oubli les derniers vestiges d’un héritage culturel jusque-là transmis d’âge en âge, depuis des temps immémoriaux. L’estimation d’un bien culturel est souvent proportionnelle à son degré de raréfaction et au dommage, pour la connaissance de l’âme populaire, que sa perte ferait encourir. En 1974, je m’étais mis à la recherche de contes ethnolittéraires afin de constituer un corpus régional à partir duquel je ferais l’essai d’une nouvelle méthode d’analyse textuelle, la sémiotique linguistique. C’est dans ce contexte de rendez-vous avec la tradition orale que je décidai, l’année suivante, à l’instigation de monsieur Luc Lacourcière, XVI Introduction fondateur des Archives de folklore de l’Université Laval, d’entreprendre d’abord une enquête méthodique sur tout le territoire de la Mauricie qui s’étend de La Tuque à TroisRivi ères, dans l’axe nord-sud, et de Sainte-Anne-de-la-Pérade à Maskinongé, suivant l’axe est-ouest. À ma grande surprise et au grand dam du patrimoine régional, aucune enquête systématique, élargie au territoire mauricien, n’avait encore été effectuée. Il était donc urgent de procéder sans délai à la récupération de la littérature orale de cette région par la sélection et l’enregistrement des conteurs encore vivants. Grâce à quatre subventions annuelles, de 1975 à 1979, accordées par l’organisme gouvernemental de Formation des chercheurs et d’action concertée (FCAC) et le Fonds institutionnel de recherche (FIR) de l’Université du Québec à Trois-Rivières, je mis sur pied des équipes d’enquêteurs qui reçurent le mandat de recueillir sur tout le territoire mauricien des contes, des légendes et même, à l’occasion, des chansons du terroir. Quelque dix-huit étudiants ou professeurs ont ainsi participé à l’enquête régionale ou à la transcription des récits enregistrés au magnétophone. Au terme de ce ratissage, étendu sur trois années consécutives, le bilan de la recherche s’établissait comme suit : 282 contes, 115 légendes et plus de 150 chansons. À ces collectes s’ajoutaient 16 contes et 28 légendes obtenus, par voie d’échange, d’une équipe du Collège d’enseignement général et professionnel de Shawinigan par l’entremise du professeur Normand Lafleur. C’est à partir de l’un de ces sous-ensembles que j’ai pu commencer à constituer Le Catalogue des contes populaires de la Mauricie. Une partie des contes recueillis a été soumise à la classification internationale, d’après la typologie d’Aarne et Thompson, grâce à la bienveillante collaboration de folkloristes érudits, Luc Lacourcière et Margaret Low, de l’Université Laval, et Jean-Pierre Pichette, de l’Université de Sudbury. C’est à l’équipe formée de Carolle Richard et d’Yves Boisvert, particulièrement rompue aux techniques de l’enquête folklorique pour avoir parcouru, au cours des deux dernières années de mon projet de recherche, presque toutes les localités de la Mauricie, que reviennent l’honneur d’avoir découvert et le mérite d’avoir réanimé, après vingtcinq ans de silence, l’une des conteuses les plus prestigieuses de la Mauricie, voire du Québec, madame Béatrice Morin-Guimond, de Saint-Alexis-des-Monts, village des Laurentides situ...

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