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CHAPITRE 3 Le concept de soi Cadre théorique et méthodologique Un des événements les plus bizarres de l’histoire de la psychologie moderne, c’est la manière dont le moi a été mis de côté et perdu de vue... (ALLPORT, 1943). Une étude développementale du concept de soi à partir d’autodescriptions tirées du langage usuel nous assure des fondements empiriques les plus solides pour l’analyse du concept de soi et l’étude de la personnalité ainsi que de l’adaptation chez l’enfant et l’adulte (BROMLEY, 1977, p. 119). Lorsque Allport a écrit cette phrase en 1943, il cherchait à attirer l’attention des psychologues sur la nécessité de s’arrêter à l’étude d’un phénomène très important en psychologie : celui du concept de soi (le « soi » d’Allport a été traduit par le « moi » dans le texte de Perron, 1959, p. 58). Ce domaine n’est plus mis de côté puisqu’il existe présentement au-delà de 20 000 documents reliés à l’étude du concept de soi. Pourtant, trente-quatre ans plus tard, Bromley (1977) paraît bien estimer que le concept de soi reste un peu perdu de vue lorsqu’il déplore le trop grand nombre d’études inférentielles et qu’il réclame plus d’analyses autodescriptives pour revenir aux sources mêmes de ce phénomène. 130 Chapitre 3 C’est qu’en effet, il existe de multiples lacunes toujours persistantes dans la forme d’attention accordée à ce type de réalité qui, bien que désormais beaucoup analysé, demeure régulièrement mal exploré. Le concept de soi est en fait devenu une sorte de concept utilitaire que l’on a appris à mesurer, à quantifier pour la recherche et la pratique quotidienne, sans trop se questionner sur la nature réelle et sur la hiérarchisation de ses dimensions, ni sur la nature de leurs contenus expérientiels, encore moins sur leur évolution au cours de toute la vie. Au surplus, les modèles les plus représentatifs de l’ensemble du concept de soi, et développés pour en permettre une compréhension plus approfondie (certains de ces modèles sont explicités dans L’Écuyer, 1978), continuent de demeurer sous-utilisés par les chercheurs et les praticiens. Combien de recherches sont d’ailleurs conduites dans ce domaine sans même que l’on prenne le temps d’y définir le concept de soi ! Et lorsqu’on le fait, c’est le plus souvent de façon sommaire, a priori, et par là fragmentaire. Or s’il est une réalité où l’application minutieuse de la méthodologie de l’analyse de contenu peut permettre un approfondissement de premier ordre à la connaissance d’un phénomène, c’est bien celle du concept de soi. Telle est la tâche entreprise en 1965 dont nous voulons, dans cette deuxième partie, expliciter le cheminement en détail. Il ne s’agit donc pas ici de brosser un tableau complet de l’évolution du concept de soi (ce sera l’objet de notre prochain volume), mais de montrer comment appliquer à ce domaine les principes de l’analyse de contenu (objet du chapitre 4). Pour ce faire, il importe tout d’abord de bien définir le champ de la recherche (identification du phénomène étudié et précision des objectifs poursuivis), pour décrire ensuite avec soin la méthode d’exploration utilisée, ainsi que tout le processus de collecte des données. Tel est l’objectif du présent chapitre dont l’organisation est forcément inspirée des « Conditions pour une bonne analyse de contenu » (section 4 du chapitre 1). La description du cheminement suivi n’est pas facile à faire pour autant. Ainsi, les travaux d’expérimentation dont il sera question tout au long de cette deuxième partie du volume se sont échelonnés sur une période de quinze années. Pour une telle description, la méthode chronologique apparaît spontanément la meilleure. Mais l’énumération de tous les retours en arrière, de tous les ajustements qu’il a fallu faire rendrait très difficile le repérage des grandes lignes de conduite qui ont guidé le travail, lignes susceptibles d’être utiles au lecteur. Par contre, l’approche plus formalisée sur la simple description de la métho- [18...

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