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A. LE CANADA ET LA VILLE DE QUÉBEC PENDANT LE RÉGIME FRANÇAIS C’est en 1534 que Jacques Cartier découvre le Canada, mais ce n’est qu’au XVIIe siècle que la colonie amorce un développement suffisant pour y assurer le maintien d’une réelle communauté. La découverte, puis le développement des colonies, celles de la France comme celles des autres pays européens, ne s’inscrivent pas par hasard au cours de cette période. Ils se produisent en effet dans un contexte où le mode de production dominant en Europe, le féodalisme, connaît des transformations profondes. Ces modifications ruinent progressivement les fondements féodaux et vont conduire, à plus ou moins long terme et dans des conditions variées selon les pays, au développement du capitalisme. Dans le cas de la France, cette évolution deviendra définitive en 1789 au moment de la Révolution, qui scellera la victoire de la bourgeoisie sur l’ordre ancien. Le développement des colonies sous la poussée mercantiliste agit dans ce contexte comme un puissant catalyseur des transformations en cours. D’une part parce que les nouvelles colonies constituent d’importantes sources de matières premières, d’autre part parce qu’elles conduisent à la création d’un nouveau marché extérieur. Aussi, comme le dit Butel, les guerres que se livrent alors les pays européens ne sont pas extérieures au commerce, elles naissent justement de l’opposition entre intérêts économiques et visent le contrôle du marché. Elles ont d’ailleurs un impact sur la disponibilité des denrées, leurs coûts et les profits (Butel, 1974). Chapitre I La population et la société canadienne 6 Chapitre I En tant que colonie, le Canada’ n’échappe pas à cette logique mercantiliste qui s’impose de plus en plus en Europe. Il apparaît comme« une création du capitalisme marchand, une région satellite subordonnée à la métropole dans un vaste ensemble d’interdépendance » (Dechêne, 1974, p. 482-483). Toutefois, son importance pour la France demeure secondaire tout au long de cette période, ce qui tient à plusieurs éléments. Le premier a trait au type de ressources que le Canada est en mesure de fournir à la France, soit essentiellement les produits des pêcheries et les fourrures, dont le marché dans ce dernier cas se sature rapidement en Europe. Le climat rigoureux constitue un second élément de freinage, puisqu’il réduit considérablement la période annuelle du commerce maritime. À cet égard, les colonies anglaises voisines sont plus favorisées. Enfin, la taille réduite de la population tout au long du régime français n’a certes pas permis à la colonie de constituer un marché extérieur important pour les produits de la métropole. Ces divers éléments, conjugués à la présence indienne sur le territoire et aux visées mercantilistes de la France, ont déterminé le cadre du développement canadien en même temps qu’ils en ont façonné les limites. Jusqu’à la seconde moitié du XVIIe siècle, la colonie est peu peuplée et constitue encore plutôt un immense comptoir commercial. À partir de 1663 cependant, devant l’attitude des compagnies et le non-respect du rôle de colonisateur qui leur est dévolu dans leurs chartes, le roi prend la colonie en charge et la place sous la responsabilité du ministère de la Marine2 . Suit alors une période au cours de laquelle l’immigration se fait plus soutenue — engagés, soldats, Filles du roi, etc. — avant de revenir par la suite à de plus faibles niveaux. Au total, près de 28 000 personnes viennent dans la colonie entre 1608 et 1760, mais seulement 8500 d’entre elles s’y établissent véritablement (Boleda, 1984). Les engagés sont des hommes, le plus souvent jeunes, célibataires et d’origine plutôt modeste, venus dans la colonie avec un contrat les engageant à travailler pour un maître donné durant un temps déterminé, généralement trois ans. Ils arrivent sur les bateaux d’armateurs français, tenus d’en amener un certain nombre afin de favoriser la colonisation. Ce système, quoique profitable pour les marchands qui le pratiquent, ne fonctionne pas très longtemps, surtout autour des années 1670 avec la Compagnie des Indes Occidentales. La plupart du temps, les engag...

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