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CHAPITRE 3 L’EXPERTISE SYNTAXIQUE EN COUR DE JUSTICE 1. NATURE ET FONCTION DE LA SYNTAXE Avant d’aborder l’aspect syntaxique de l’expertise linguistique en cour de justice , nous croyons qu’il convient d’abord de définir clairement ce que l’on entend par « syntaxe ». Celle-ci se veut l’étude des règles qui président à l’ordre des mots et à la construction des phrases. Ces règles1 devront être présentées dans un ordre précis de telle sorte qu’elles puissent engendrer toutes les phrases d’une langue et uniquement celles-ci. Ainsi, les mots d’une langue ne peuvent pas se combiner de n’importe quelle façon. Parmi les deux énoncés suivants, seul le premier peut être qualifié de formulation propre au français ou « grammaticale » . [1] La voiture est tombée dans le ravin. [2] *La ravin tombée est voiture dans le. 1.1. L’arbre syntaxique La grammaire du français, système de règles qui adjoint une forme précise à une signification particulière, n’accepte pas une combinaison de mots non compatible avec l’ordre prescrit par ses lois. La phrase [1] se présenterait donc de la façon suivante, à la suite d’une analyse syntaxique, sous forme d’« arbre » dont les règles apparaissent après ledit arbre. 1. Il est à noter que le sens se rattachant au mot « règle » n’est pas celui propre à la grammaire traditionnelle, soit d’un principe se rapportant au « bon français » parlé ou écrit. Il s’agit plutôt ici de la « simple constatation d’un usage dominant » (Marouzeau, 1969) ou d’une « hypothèse au sujet d’un mécanisme de la langue » (Dubois et al., 1973). Le terme « règle » doit donc ici être compris comme une notion de nature descriptive et non prescriptive. 89 Règles Phrase → groupe nominal + groupe verbal Groupe nominal → article + nom Groupe verbal → verbe + groupe prépositionnel Groupe prépositionnel → préposition + groupe nominal Article → la, le Nom → voiture, ravin Verbe → auxiliaire + participe passé Auxiliaire → est Participe passé → tombée Préposition → dans Cette structuration de la phrase, qui fait partie de ce que l’on appelle la grammaire d’une langue, provient des connaissances conscientes ou inconscientes des individus et constitue une infime partie de ce que l’on appelle la« compétence linguistique ». 90 [3.140.185.147] Project MUSE (2024-04-23 15:34 GMT) 1.2. La compétence linguistique La compétence linguistique correspond ni plus ni moins au savoir linguistique du sujet parlant, dont une partie est innée et l’autre principalement acquise pendant la période d’apprentissage de l’enfance. Cette faculté se situe, en fait, au cœur même des aptitudes propres à l’être humain. C’est elle qui lui permet, dans une langue donnée et à tout moment, de percevoir, de comprendre et d’émettre spontanément un nombre illimité de phrases que, pour la plupart, il n’a jamais entendues, lues, prononcées ou écrites auparavant. C’est elle qui l’autorisera à porter un jugement sur la grammaticalité d’une phrase (Cf. phrases [1] et [2]). C’est également sa compétence linguistique qui lui permettra de découvrir les différents sens d’une phrase ambiguë, telle : [3] C’est un connaisseur de vins de la Californie (le connaisseur ou les vins proviennent de Californie). Finalement, c’est à cette compétence qu’il devra de posséder une intuition sur sa langue. Par exemple, le fait que nous soyons en mesure de prétendre que les phrases suivantes : [4] Claude aime Sylvie. et [5] Sylvie est aimée de Claude. sont synonymes, provient de cette compétence. Il en va de même pour cette capacité que nous avons de mesurer l’effet (ou connotation) qu’une phrase possède par rapport à une autre. Ainsi, la phrase : [6] Il me dit quoi, Paul ? possède une connotation beaucoup plus populaire que la formulation recherch ée : [7] Que me dit Paul ? Cela signifie donc que la grammaire intériorisée d’un locuteur ne pourra subir de transformations ou modifications qu’à un rythme très lent, au fil des années. Elle ne pourra, par exemple, connaître des changements subits par suite d’un événement ou un incident troublant, à moins qu’il ne soit d’ordre cérébral2 . Il serait donc impensable de croire qu’un individu pourrait subitement modifier ce...

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