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CONCLUSION La présence du témoin expert linguiste en cour de justice relève d’un phénomène tout à fait récent, du moins au pays. Et cette situation n’est certainement pas étrangère au fait que le passage d’un tel témoin devant le magistrat s’avère quelquefois marqué, pendant la période d’approbation surtout, par des questions ayant trait à la pertinence d’un tel témoignage. Généralement, le linguiste aura tôt fait de dissiper toutes les incertitudes relatives à son implication en faisant valoir le fait que, tout comme la géographie est la science qui étudie les phénom ènes physiques situés à la surface du globe terrestre, la linguistique n’est rien d’autre que l’étude scientifique du langage. Et qui dit « scientifique » dit « d’une valeur universelle, caractérisé par un objet et une méthode déterminés, et fondé sur des relations objectives vérifiables1». La langue est en effet un objet d’étude qui, souventes fois, provoque chez celui qui lui manifeste de l’intérêt, une réaction empreinte d’émotivité, de subjectivité, faisant alors obstacle à une analyse objective. C’est alors que surgissent les campagnes de bon parler, les jugements de valeur, les sentiments d’auto-défense contre l’« envahisseur », etc. La linguistique s’inscrit tout à fait à l’encontre de cette approche, cherchant plutôt à faire ressortir les « universaux » du langage, les constantes émanant d’études rigoureusement menées, dénuées de toutes opinions de caractère arbitraire et affichant une précision et une minutie ne pouvant être mises en doute. Cette recherche s’effectuera, en milieu judiciaire, au moyen d’une approche phonétique, où l’étude instrumentale des sons de la parole pourra parfois nous permettre de déterminer la nature d’un phonème ou même, dans certains cas et avec les précautions qui s’imposent, la paternité ou la non-parternité de propos litigieux. C’est du reste dans ce champ spécifique que s’est instaurée la plus grande « tradition » d’expertise linguistique en Amérique du Nord. L’apport de l’informatique dans ce secteur couplée à la numérisation des données nous a permis d’assister à des progrès remarquables eu égard à la quantité d’informations pouvant être emmagasinées ainsi qu’à la précision des résultats. C’est également par le biais de l’analyse lexicologique, celle-là même qui se préoccupe de la « structure » des mots, de leurs relations sémantiques, que 1. Le Petit Robert (1987). 161 pourra s’effectuer une analyse rigoureuse du vocabulaire apparaissant dans les contrats comme les testaments, les menaces de mort comme les libelles diffamatoires . Bref, le mot, miroir de l’univers, comme on dit, comportant les mêmes contradictions, les mêmes ambiguïtés, lesquelles seront à l’origine d’une multitude de malentendus, d’équivoques, de méprises et de quiproquos de toute nature. À l’origine aussi de subtilités, de glissements de sens, de valeurs parfois subliminales, qui feront soudainement paraître distants deux verbes aussi ressemblants que « voir » et « regarder ». C’est aussi à travers la lunette syntaxique, témoin des liens unissant les mots en phrases, que pourra se poursuivre l’étude du « discours juridique ». Cette fois encore, et contrairement à la croyance populaire, la langue parlée et écrite affiche, à l’égard de la syntaxe et de la grammaire, une étonnante uniformité systémique et ce, chez tout type de sujets, jeunes ou vieux, scolarisés ou non. C’est du reste ce qui permet au linguiste de déceler à l’intérieur d’un discours la présence ou l’absence d’une véritable cohérence linguistique, potentiellement rattachée à une quelconque intervention extérieure au cours d’une prise d’aveux, à la manipulation d’une pièce à conviction telle que l’enregistrement d’une conversation litigieuse, ou, dans un autre ordre d’idées, à une défense reposant sur l’aliénation mentale2 . L’expertise syntaxique pourra également rendre compte des innombrables cas d’ambiguïté structurale apparaissant dans les contrats, textes de loi, testaments, etc., susceptibles d’orienter les divers intervenants vers une interpr étation sinon fautive, à tout le moins douteuse. Finalement une expertise à caractère sociolinguistique, reposant sur les liens unissant langage et société, pourra nous permettre d’établir les rapports existant entre le profil socio-économique d’un prévenu (défini à partir de...

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