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LE MARXISME DANS LA VIE INTELLECTUELLE DU CANADA ANGLAIS Michael O’SULLIVAN (Traduit par L. BEAUDRY)« Les idées dominantes de chaque période ont toujours été les idées de la classe dominante », ont écrit Marx et Engels dans Le Manifeste du Parti communiste. La pertinence de cette observation n’est nulle part davantage vraie qu’au Canada anglais. Les idéologies de la classe dominante tels le « toryisme », les variantes du libéralisme et plus récemment le néo-conservatisme ont rivalisé pour conquérir le coeur et l’esprit de la classe dominante aussi bien que des classes dominées. Malgré cela, le Canada anglais n’a pas été non plus sans contreid éologies qui ont influencé la pensée de nombreux partis politiques et mouvements sociaux dont certains ont pu compter des dizaines de milliers d’hommes et de femmes parmi leurs supporteurs. Le populisme et le marxisme ont joui de ce type de large appui au Canada anglais à diverses périodes du XXe siècle. En fait, le populisme, qui est habituellement associé dans notre pensée au radicalisme agraire, trouve encore son expression dans tous les partis politiques de ce pays. Cependant, le marxisme, jusqu’aux années 1970 quand la situation changea de façon dramatique, a tout simplement échoué quant à obtenir une place vitale sur la scène intellectuelle canadienne. Pourquoi en a-t-il été ainsi et quels ont été les facteurs de changement marquant la fin des années 1970 ? Il y a plusieurs raisons parmi lesquelles : 1) Le pouvoir des universités canadiennes d’être très élitiste dans la tradition classique britannique pendant tout le XXe siècle et d’être très hostile à l’enseignement radical. Ce phénomène a diminué récemment mais il est loin d’être disparu. 2) Les partis politiques et les mouvements marxistes qui ont existé au Canada depuis le tournant du siècle ont fréquemment été suspicieux et hostiles aux universitaires (intellectuels) et ont souvent promu une 298 UN SIÈCLE DE MARXISME forme dogmatique de marxisme qui n’a pas réussi à intéresser les intellectuels. 3) Toutes les classes, à l’exception de certaines fractions de la classe dominante, furent généralement sous la domination idéologique d’une idéologie libérale réformiste qui dans sa forme centriste a été véhiculée par le Parti libéral du Canada dirigé par Mackenzie King et dans sa forme de gauche par la Cooperative Commonwealth Federation (CCF) et son successeur le Nouveau parti démocratique (NPD). Ce dernier point constitue la clé mais avant d’y revenir, nous traiterons en peu de mots des deux premiers facteurs. Les universités anglo-canadiennes au tournant du siècle ont été des bastions du « toryisme ». Elles ne furent pas les universités libérales qui ont émergé aux États-Unis où des idées radicalement opposées pouvaient se déployer sur le même campus. Au Canada, les universitaires furent de naissance, ou par vocation, façonnés à la vieille élite intellectuelle britannique qui ne tolérait pas de dissensions aux normes intellectuelles établies. J.A. Hobson, dans son étude Imperialism (1902) parla de (« the crudest héresy hunting ») « la chasse à l’hérésie la plus cruelle » eu égard à l’intimidation des intellectuels au Canada. Il porta aussi attention à une autre forme de répression de la dissension intellectuelle : Le danger réel consiste en la nomination plutôt qu’en la démission des enseignants ; dans la détermination des sujets qui seront enseignés, quelle attention relative sera accordée à chaque sujet, et quels textes et autre appareil d’éducation seront utilisés (cité dans Penner : 1977 ; 41). La sélectivité demeurait la règle et les universités restaient plus ou moins intouchées par le radicalisme jusqu’aux années 1960. Il y eut quelques exceptions, bien sûr, tels des socialistes « fabians » de la Ligue pour la reconstruction sociale (LRS) qui enseignaient à l’université de Toronto et à McGill et qui constituaient un noyau penseur pour la CCF dans les années 1930. Les sociaux-démocrates de gauche furent tolérés, comme ce fut le cas de C.B. MacPherson, probablement le seul intellectuel marxiste du Canada ayant une envergure internationale. L’intolérance des idées de gauche à l’université a été le résultat très simple du contrôle par des réactionnaires du système...

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