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Chapitre 4_L'agriculture à temps partiel
- Presses de l'Université du Québec
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L’agriculture à temps partiel constitue une forme d’agriculture périphérique, notion qui désigne des modalités d’organisation du procès de travail agricole qui s’écartent du modèle dominant de développement agricole. La variété des situations que le phénomène recouvre n’est pas sans rappeler qu’il s’agit plutôt d’une catégorie de la pratique quotidienne que d’un concept de l’analyse sociologique. La notion de « double activité » ou de « pluri-activité » en agriculture décrit sans doute mieux le phénomène car l’agriculteur à temps partiel travaille généralement à temps complet mais en combinant l’activité agricole avec un travail artisanal à son compte ou un travail salarié dans une entreprise. Mais cette précision nous laisse loin d’une véritable construction théorique de ce fait social. Dans ce chapitre, il s’agit d’examiner le rôle de l’agriculture à temps partiel dans le développement de l’agriculture et plus particulièrement, le rôle spécifique joué par cette forme de production agricole dans les régions périphériques. Car nous avons vu, dans la première partie de ce travail, que cette pratique a constitué un véritable modèle de développement rural sur certains espaces agraires, plus précisément dans l’espace agro-forestier où les petits producteurs agricoles exerçaient des activités complémentaires en forêt. L’analyse sociologique de l’agriculture à temps partiel doit situer ce phénomène dans l’ensemble du processus des transformations agraires ; il apparaît alors comme une manifestation des mouvements de résistance d’une couche de petits producteurs agricoles autonomes qui tentent de préserver leur mode de produire ; en même temps, il s’agit d’une forme d’intégration dépendante au système économique dominant qui assure sa reproduction par l’usage d’une force de travail dont il n’a pas à assurer CHAPITRE IV L’agriculture à temps partiel 158 AGRICULTURE ET DÉVELOPPEMENT RURAL toutes les charges d’entretien. L’étude de l’agriculture à temps partiel prend une importance particulière aujourd’hui devant l’échec de certaines stratégies de développement rural remettant au goût du jour cette pratique qui peut jouer un rôle positif dans la revitalisation des espaces ruraux inscrits dans un processus de marginalisation et de désertion du tissu socio-économique. Dans la première partie de ce chapitre nous présenterons les différentes analyses et interprétations de l’agriculture à temps partiel ; la pérennité d’un phénomène d’abord jugé transitoire a suscité un grand nombre d’études de la part des économistes agricoles comme des pouvoirs publics ou de la profession elle-même. Ces diverses enquêtes et analyses nous donnent bien l’image d’une réalité résurgente mais aux interpr étations multiples. Dans un second temps, conformément à notre démarche d’analyse des formes sociales de production agricole s’écartant du modèle dominant de développement agricole, nous étudierons, à partir des données disponibles dans les recensements généraux du Canada, les caractéristiques sociales de la pratique de l’agriculture à temps partiel dans l’Est du Québec. Finalement, nous nous demanderons si l’agriculture à temps partiel ne pourrait pas constituer un élément positif d’une strat égie de développement rural pour les zones agricoles difficiles où elle pourrait contribuer à la viabilité économique des exploitations tout en participant au maintien de la vitalité sociale de ces mêmes régions. À cet égard, nous pensons que la réhabilitation de cette forme sociale de la production agricole qui se dessine dans les politiques actuelles peut contribuer au développement contemporain des espaces ruraux marginalis és. A. Une réalité résurgente aux interprétations multiples La loi générale, communément admise, du développement des sociétés modernes est la division du travail qui doit atteindre un niveau de plus en plus raffiné dans tous les secteurs de la production sociale. Dans ce mouvement historique, l’organisation de la production agricole et alimentaire sera soumise à cette même rationalité. De fait, une division du travail s’est imposée entre la sphère de la production agricole, celle de la transformation de cette production agricole en denrées alimentaires, et la sphère de la circulation de ces marchandises. À l’intérieur m...