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INTRODUCTION Paul Samuelson, prix Nobel de sciences économiques, déclarait en 1961, à l’occasion de son discours d’investiture à la présidence de l’Association américaine d’économie : « ... du point de vue de la théorie économique pure, Karl Marx peut être considéré comme un post-ricardien mineur ». Ce jugement expéditif ne l’a pas empêché de consacrer, depuis 1970, au moins une demi-douzaine d’articles au problème de la transformation des « valeurs marxistes » en « prix compétitifs », et d’enrichir la neuvième édition de son célèbre manuel de quelques explications élémentaires sur les « théories économiques » de Marx1 . Ces théories ont donc acquis droit de cité dans la science économique officielle. Dans un savant ouvrage consacré à la « théorie duale de la valeur et de la croissance » que constitue « l’économique de Marx », Michio Morishima2 écrit qu’on doit classer Marx « à un niveau aussi élevé que Walras dans l’histoire de l’économie mathématique ». En étudiant les problèmes « duaux » de la reproduction et de la transformation, Marx aurait été un précurseur de Leontief et du mathématicien Joseph von Neumann, qui ont mis en lumière la nature duale du problème économique de la détermination des prix et des quantités des biens produits dans un modèle d’équilibre général. Wassily Leontief a lui-même rédigé la préface de la traduction anglaise d’un livre dans lequel l’économiste hongrois Andras Bródy3 propose un « nouvel exposé mathématique de la Théorie de la ValeurTravail ». De cet ouvrage, un autre éminent économiste, Edmond Malinvaud, écrit, dans sa propre préface à l’une des plus récentes « traductions modernes » du Capital4 : « ... mais il démontre de façon persuasive que l’on peut formaliser sans la dénaturer la pensée économique de Marx et que l’on est alors conduit à utiliser les outils de l’économie mathématique moderne. C’est aussi la démonstration que font, chacun à leur manière, M. Morishima et G. Maarek ». Alors que Marx est pris très au sérieux par l’économie néo-classique, cette école est maintenant fortement contestée par les théoriciens rattachés à ce qu’on appelle l’« école de Cambridge » ou « école néo-ricardienne ». Piero Sraffa, éditeur des œuvres complètes de Ricardo, a publié, en 1960, 2 VALEUR ET PRIX un bref ouvrage, Production de marchandises par des marchandises5 , qui sert de fondement à une critique décisive de la théorie marginaliste de la valeur et de la répartition, cette même théorie qu’on avait opposée, à la fin du siècle dernier, à celle de Marx. Cette publication a déclenché, entre les économistes, une controverse qui n’est pas sans rappeler celle qui opposait, entre 1820 et 1830, partisans et adversaires de Ricardo. L’analogie est d’autant plus frappante que Sraffa résout un problème qui a tourmenté Ricardo jusqu’à la fin de sa vie, et qui l’a empêché de donner, à sa théorie de la valeur, une formulation qui le satisfasse pleinement. Cet échec de Ricardo a facilité l’émergence et le triomphe de ce que Marx appelait « l’économie vulgaire », dont l’économie marginaliste est la forme contemporaine. Il s’agirait donc de la revanche, tardive, de l’économie politique classique sur l’économie vulgaire. Sraffa oppose en effet à la théorie marginaliste de la valeur et de la répartition, dont il met à jour les failles logiques, une élaboration rigoureuse du système des prix de production, sur les bases de la théorie ricardienne de la valeur et de la répartition. La récupération néo-classique du Capital, d’une part, et la rigueur de l’analyse néo-ricardienne, d’autre part, amènent ainsi plusieurs auteurs à voir, dans la construction théorique de Sraffa, une alternative à la théorie de la valeur et de la plus-value qui rend compte, fondamentalement, de la même réalité que celle que Marx cherchait à décrire, avec les moyens à sa disposition au dix-neuvième siècle : l’exploitation des ouvriers par les capitalistes. Nous rejetons totalement cette interprétation qui découle d’une incompréhension des fondements de l’analyse marxiste. De même, nous ne pouvons accepter les « traductions mathématiques » néo-classiques du Capital, qui s’appuient sur une interprétation...

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