Économie du Québec et choix politiques

Les éléments d'une politique industrielle pour le Québec

LES ÉLÉMENTS D’UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE POUR LE QUEBEC* Alban D’Amours On ne peut engager un véritable débat sur la politique industrielle du Québec sans avoir tenté d’en établir d’abord les fondements. C’est en se livrant à cet exercice qu’on arrive à identifier les principaux éléments d’une politique industrielle pour le Québec. La pierre d’angle de cet exercice s’incarne dans la mise en forme de deux types d’arguments : l’un, historique, l’autre, théorique. Les leçons de l’histoire de l’économie canadienne Dans une étude que nous venons de terminer sur la politique industrielle du Québecl , nous avons tiré de l’histoire de l’économie canadienne, des arguments de premier ordre en faveur d’une telle politique. On y observe en effet la naissance d’une « société économique » où l’exercice du pouvoir a conduit à l’affaiblissement de l’économie québécoise et à la fausse conviction que le Québec ne pouvait plus participer à l’harmonisation des politiques conjoncturelles et structurelles devant présider à la fabrication des sentiers de croissance de son économie. La production per capita au Québec, parmi les plus élevées au monde, n’est que le reflet d’une dépendance économique que le Québec n’a pas encore réussi à gérer. L’évolution structurée des grandes variables macro-économiques du Québec par rapport à celles de l’Ontario et du Canada dans son ensemble, témoigne de la faillite d’une approche au développement industriel par la péréquation. Le Québec caricature l’économie canadienne dans son aspect le plus déplorable, soit le faible pourcentage de produits finis dans ses exportations, qui caractérise les pays faiblement industrialisés. Bien que riche en ressources naturelles de toute sorte, le Québec n’a pas su allonger ses filières de production pour accroître le niveau de transformation de ses matières premières (ex. : amiante, acier, aluminium, agro-alimentaire). L’importation massive de productivité des pays étrangers (principalement des États- Unis) a suscité des effets de revenu qui ont compensé la faible productivité de la structure industrielle québécoise et voilé la fragilité de son processus de rémunération qui ne résiste plus aux tendances lourdes de l’histoire. Celle-ci révèle en effet des réductions continues dans les écarts de salaire qui caract érisaient la structure salariale nord- américaine. Il n’est pas étonnant de constater dans ces conditions que les coûts monétaires élevés de la main-d’œuvre soient à l’origine des problèmes de compétitivité de l’économie québécoise. Si pour le Québec, l’aspect fondamental d’une politique industrielle est d’adapter le mode de rémunération du travail à celui des pays industrialisés, la façon d’y arriver c’est d’accroître la valeur ajoutée en aval de l’exploitation des matières premières. En vue de réaliser ce programme, le Québec doit chercher à savoir si sa structure interne du pouvoir économique est différente d’ailleurs et dans quelle mesure celle-ci peut être soustraite à la subordination aux structures étrangères de pouvoir. L’histoire industrielle du Québec est jalonnée d’événements qui ont provoqué des fuites importantes de pouvoirs. L’évolution de la structure de production, qui défavorise la production des biens en faveur de la production des services dans des proportions plus accentuées que pour l’ensemble des pays industrialisés, la faiblesse du secteur manufacturier , consacrée par l’importance de la production de biens non durables et les filières de production trop courtes, les coûts unitaires de la main-d’œuvre élevés, le faible 370 économie du Québec et choix politiques le secteur industriel et commercial 371 taux d’auto-suffisance agro-alimentaire sont autant de manifestations de ces fuites de pouvoirs économiques. Tous ces problèmes, lorsqu’abstraits d’une réalité historique, portent à croire que l’économie du Québec est dans une situation de dépendance telle que toute tentative de concertation des pouvoirs économiques est une mission impossible. Par contre, si nous les plaçons dans une perspective historique, nous pouvons faire valoir que l’ensemble de ces problèmes trouve...