In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

CHAPITRE III DES RIVIÈRES-ÉGOUTS ? Au début de 1973, les dirigeants de l’Office de planification et de développement du Québec (O.P.D.Q.) étaient bien embêtés. Saisis depuis quelque temps d’un volumineux rapport qu’ils avaient commandé, trois ans plus tôt, sur l’aménagement des eaux de la rivière Yamaska, ils avaient, comme on dit,« un problème de communication ». Les conclusions du rapport leur paraissaient sérieuses et alarmantes, mais comment convaincre les élus et les citoyens de l’urgence de la situation, se demandaient-ils ? Car assainir les eaux de tout un bassin, abritant pas loin d’un million d’habitants, nécessitait à leur avis la collaboration de tous les organismes intermédiaires, municipalités, conseils de comtés, groupes représentant industriels et agriculteurs. Et les convaincre de l’importance et de l’urgence du problème requérait plus qu’une brique scientifique de 600 pages ! Les experts de l’O.D.P.Q. command èrent donc la rédaction d’une brochure de vulgarisation. Sous le titre La Yamaska : proposition d’utilisation des eaux, celle-ci parut en novembre 1973. Elle fut distribuée 70 UN PARADIS DE LA POLLUTION gratuitement dans tous les organismes publics, parapublics et privés de la région, sans ménagement. Un langage sobre, direct, beaucoup de schémas et de tableaux, 48 pages d’une présentation soignée. Une année passa, puis deux, puis trois. La ville de Granby manqua d’eau potable un été, puis un autre. L’eau du robinet de Farnham, de Saint-Hyacinthe et de Saint-Damase, en particulier, dégageait une forte odeur et devenait imbuvable par périodes. On s’inquiéta, on ajouta quelques filtres et quelques kilos de chlore dans les usines de filtration, mais ce fut tout. En 1977, aucun plan d’assainissement global n’était encore signé ; on parlait surtout d’étendre quelques réseaux d’égouts municipaux. Farnham subit plusieurs déversements industriels toxiques, sans qu’on inquiète les mystérieux coupables. Une exception toutefois : la compagnie Coronet Carpet, prise à décharger 15 tonnes de latex dans la rivière le 12 juillet 1979, fut condamnée à réparer les dégâts et payer 5 000 dollars d’amende. Puis ce fut le « boom du porc ». Cent cinquante porcheries en 1976, près de 800 en 1978, et bientôt 1 000 en 1981. Sur ce petit bassin déjà saturé, le purin de porc fut — l’image est lourde ! — la goutte d’eau qui fit déborder le vase. En se décomposant dans l’eau, le purin consomme l’oxygène vital au milieu. En fait, il tue par surcharge nutritive, et la Yamaska-Nord se mit à mourir lentement de cette orgie. Eaux brunes et putrides, poissons morts le ventre à l’air, carcasses d’animaux : c’est à un véritable égout à ciel ouvert que la Yamaska-Nord ressemblait près de Farnham, à l’été 1980. Mais, à cette date, le scandale avait éclaté au grand jour. Privée d’eau potable pendant deux mois et trois jours, obligée de faire venir à grands frais des camions de ravitaillement de Saint-Jean et Montréal chaque jour, la petite ville de Farnham avait fait la manchette des journaux. Finalement, en 1980, le ministère de l’Environnement fit poser un tuyau temporaire de surface de quatre kilomètres pour aller chercher de l’eau dans le bras sud-est de la rivière, plus sain. Le ministre Marcel [3.147.205.154] Project MUSE (2024-04-25 05:32 GMT) DES RIVIÈRES-ÉGOUTS ? 71 Léger annonça qu’un aqueduc permanent, souterrain, serait construit avant l’hiver suivant. Ce qui fut fait, au coût de 1,8 million de dollars. On insista sur la bonne marche du programme global de dépollution, enfin signé un an plus tôt entre les six principales villes du bassin et le gouvernement (coût total prévu : 138 millions de dollars répartis sur quatre ans) et tout rentra dans l’ordre. En février 1981, la condamnation à 10 000 dollars d’amende — la plus forte somme obtenue par le ministère jusqu’ici d’un éleveur de porcs de Saint-Damase qui avait vidé ses fosses à 16 reprises dans la Yamaska, fut soulignée au bon peuple par le ministère et par les journaux. À Farnham et ailleurs, la vie...

Share