-
Chapitre 2. Opinion publique: Le «oui mais» de monsieur tout-le-monde
- Presses de l'Université du Québec
- Chapter
- Additional Information
2. Opinion publique LE « OUI MAIS » DE MONSIEUR TOUT-LE-MONDE par François Picard Les Québécois n’ont peut-être pas le sang aussi chaud que les Espagnols qui, en mars 1978, se sont opposés à coups d’attentats à un projet de centrale nucléaire. Ils ne sont pas non plus aussi bien organisés que les Allemands, les Français ou les Américains dont les mouvements écologiques cherchent , et parviennent parfois en partie, à empêcher ou à retarder le développement de l’industrie de l’atome dans leurs pays. Pas très bien informés sur la question, peu enclins à acheter les promesses des énergies douces que redécouvrent les écologistes, les Québécois acceptent, mais en faible majorité, ce qu’on leur a vendu comme le miracle du nouveau credo nucléaire. À la condition toutefois qu’on n’aille pas installer la basilique dans leur arrière-cour... 47 FACE AU NUCLÉAIRE Même si on fait des recherches à l’Université de Montréal sur l’utilisation de l’énergie nucléaire depuis 1943, si le premier réacteur expérimental canadien a été installé à Chalk River, en Ontario, en 1945, ou si une centrale nucléaire de type CANDU fonctionne à Pickering, en Ontario, depuis 1973, ce n’est qu’à partir de 1975 qu’on s’est vraiment inquiété de l’opinion publique canadienne face aux problèmes du nucléaire. La première mention d’une coalition de mouvements anti-nucléaires apparaît dans le Rapport annuel 1974-1975 de la société de l’Énergie atomique du Canada Limitée (EACL) : on parle d’exagérations et de difficulté du public à comprendre la valeur du nucléaire. Il faut un accident dans une usine d’eau lourde à Glace Bay, en Nouvelle-Écosse, en 1975, pour que l’EACL décide de se lancer dans une vaste campagne d’information, ou, devrait-on dire, de propagande, puisqu’il s’agit alors de convaincre le public des bons côtés de l’énergie nucléaire en mettant entre parenthèses, dans la mesure du possible, la part de risques. Glace Bay, la ville voisine de l’usine d’eau lourde où il y avait eu une fuite de gaz toxiques, échappe de justesse à une catastrophe simplement parce que les vents ont transporté les gaz dangereux vers la haute mer. Pour l’EACL, il faut informer le public du bien-fondé du nucléaire avant qu’une telle catastrophe empêche toute possibilité de convaincre la population. L’EACL fait alors une campagne d’information dans les écoles secondaires sous forme de publications telles que ABC de l’Énergie atomique, de montages audiovisuels et de visites, en particulier aux alentours des usines d’eau lourde de Glace Bay et PointTupper et des centrales de l’Ontario. On rend visite aux résidents de Glace-Bay pour leur remettre de la documentation et discuter avec eux. Des séminaires sont organisés pour des professeurs dans l’Outaouais et un centre d’information est 48 [100.24.12.23] Project MUSE (2024-03-29 08:48 GMT) LE « OUI MAIS » DE MONSIEUR TOUT-LE-MONDE installé dans une roulotte à Pointe-Lepreau, au NouveauBrunswick . Une opinion et des sondages En 1976, le bureau des affaires publiques de l’EACL est réorganisé à la suite, semble-t-il, de cette première expérience et d’un sondage effectué par l’Institut de recherche sur le comportement de l’Université York à la demande de l’Association nucléaire canadienne. Parmi plus de 2000 répondants à ce sondage concernant l’ensemble des Canadiens, 56 pour cent ont entendu parler du nucléaire pouvant être utilisé comme source d’électricité et 44 pour cent ne connaissent pas cette forme d’énergie. 68 pour cent favorisent l’emploi du nucléaire alors que 21 pour cent sont contre. 56 pour cent croient que les centrales sont sûres alors que 39 pour cent pensent le contraire. La principale préoccupation des répondants est l’enfouissement des déchets radioactifs, alors que la sûreté des réacteurs et la nature des rayonnements ionisants sont considérées comme des questions nécessitant davantage d’informations. On peut aussi retirer des résultats d’un tel sondage que la population est très peu au courant des problèmes que peut poser le développement de l’industrie nucléaire. L’EACL, pour sa part, d...