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1. Société POSER LA VRAIE QUESTION par Pierre Sormany De quelle société voulons-nous le siècle prochain ? D’une société hyper-technologique et énergivore ? D’une société écologique et de conservation ? Ou plus simplement d’une société « adoucie », à la fois technologique et économe de ressources ? C’est cette question, fondamentale, que soulève en fait le débat nucléaire. Mais il y a plus. Plus urgent en tout cas. Quel que soit notre choix, comment faire la transition vers cette société des années 2000 ? Les sources d’énergie traditionnelles se font pauvres. Mais pour construire les industries qui exploiteront les sources nouvelles, nucléaires ou « douces », il faut procéder à d’énormes investissements... énergétiques. Le casse-tête des moyens est tel qu’on en oublie la question première, celle des fins. On chicane sur le bateau dans lequel on s’embarque, sans débattre de la destination où l’on voudrait se rendre. 19 FACE AU NUCLÉAIRE« C’est bien beau être contre l’atome ! Mais qui acceptera de se passer de sa télévision, de sa laveuse à vaisselle, ou d’être privé d’électricité aux heures de pointe ? » En servant cet argument aux adversaires du développement de l’électronucléaire, un peu partout dans les pays où le débat sur la question a fait rage, les promoteurs de cette industrie de pointe ont fait mouche. Ils ont ainsi remporté le référendum de Californie, il y a près de deux ans. Ils avaient auparavant conduit le gouvernement français à adopter un important programme nucléaire, à peine ralenti sous la pression d’une opposition pourtant fort bien structurée. Mais en même temps, ils ouvraient grand les vannes de ce qui pourrait devenir la première atteinte sérieuse aux perspectives de l’atome comme source énergétique d’avenir des sociétés industrialisées. Dans un premier temps, en effet, les débats avaient porté sur la sécurité technique des installations. Les réponses « officielles » n’étaient pas sans failles. Mais les mesures promises rabattaient tout de même le risque nucléaire à un pallier inférieur au risque pétrochimique , au risque du charbon, ou d’une foule d’autres technologies actuelles dont le seul mérite était de n’avoir pas été associées émotivement au champignon d’Hiroshima. Restaient bien sûr deux arguments majeurs, tendons d’Achille de l’option nucléaire : la sécurité, pour 25 000 ans au moins, du remisage des combustibles irradiés, et le risque de prolifération des armements atomiques qui accompagne nécessairement toute industrie électronucléaire. Mais si ces arguments jouent encore le premier rôle dans le débat nucléaire à l’échelle internationale, ils perdent beaucoup de leur importance lorsqu’on situe le débat dans un petit pays comme le Québec. Vaudrait-il la peine qu’on sacrifie des promesses de développement économique au nom d’un idéal de sécurité planétaire, si les grandes puissances maintiennent le cap sur l’atome ? 20 [18.117.81.240] Project MUSE (2024-04-24 00:22 GMT) POSER LA VRAIE QUESTION Par contre, dès que le débat glisse dans le domaine plus flou des implications sociétales, partisans et adversaires du nucléaire se retrouvent sur un pied d’égalité. En outre, le choix des autres ne prend plus alors qu’une importance secondaire : s’il était prouvé que le type de société que dessine le « choix technologique » est en lui-même indésirable, un petit pays pourrait fort bien décider seul de s’y opposer. Peut- être même serait-ce plus facile pour un petit pays que pour une grande nation dont l’impulsion technologique est plus difficilement réversible ! Dans ce cas, la situation québécoise apparaît intéressante à certains. Voilà un petit pays, peu engagé jusqu’à maintenant dans l’industrie nucléaire, disposant d’un « coussin hydro- électrique » considérable et d’une population assez jeune, ce qui rend possible en principe des réorientations majeures de l’activité économique. Bien que de mentalité nord-américaine, le Québécois apparaît ainsi moins condamné à opter pour l’atome que ne l’était l’hyper-consommateur californien à qui l’on n’offrait guère d’autre choix (voir à ce sujet le chapitre 6). Une société énergivore Il n...

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