In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

PÉRIODE DE QUESTIONS Si j’ai bien compris, il n’y a pas lieu, présentement, de s’inquiéter d’un éventuel choc des civilisations, comme Samuel Huntington le suggérait il y a quelques années1. Toutefois, le propos de M. Nicoloff me rappelle encore une fois les thèses de Huntington. Lorsqu’on parle de symboles, de culture, il y a lieu de s’interroger sur un éventuel conflit entre la civilisation arabomusulmane et les valeurs occidentales. J’aimerais connaître l’opinion de nos trois conférenciers à ce sujet. FRÉDÉRIC NICOLOFF : Je pense que c’est le nœud du problème. Il y a un exemple qui est quand même assez frappant, c’est l’histoire de pays d’immigration , la France ou les États-Unis, par exemple. Pendant très longtemps, l’immigration vers ces pays se faisait à partir des pays occidentaux, donc de pays chrétiens, de pays qui étaient issus de la même civilisation. L’intégration des Italiens aux États-Unis, des Polonais, des Portugais en France, s’est faite sans problèmes. Cela a pris deux ou trois générations, mais il n’y a pas eu de problèmes. Les Français pensaient à la fin de la guerre d’Algérie, quand il y a eu tout ce mouvement de réfugiés, que ça se passerait de la même façon, que, deux ou trois générations après, les enfants de ces réfugiés musulmans seraient intégrés sans problèmes. On sait très bien que ce n’est pas vrai, qu’ils ont encore des problèmes dans certaines cités. Il y a un rapport de force qui est d’abord et avant tout culturel, et je vous avoue que je n’ai pas de réponse à votre question. 1. Samuel P. Huntington, né en 1927, est l’auteur du livre Le choc des civilisations (Paris, Odile Jacob, 1997). Dans ce livre, il prédit l’affrontement de la civilisation occidentale avec les autres. 32 Les médias québécois sous influence? Est-ce qu’il faut que nous, nous puissions aller plus souvent chez eux? Vous savez, c’est difficile d’aller dans un pays où, par exemple, il n’est pas question que quelqu’un d’autre, un homme, à plus forte raison occidental, rencontre l’épouse qui, chez elle, est généralement dévoilée. Nous, la premi ère chose qu’on fait quand on reçoit quelqu’un d’un autre pays, c’est de l’inviter à la maison. En tout cas, moi, c’est ce que je fais. Alors, elle est où la barrière? Est-ce que c’est culturel? Est-ce que c’est le pouvoir des imams, des religieux? Est-ce qu’il faut absolument qu’à un moment donné ces gens-là puissent vivre chez nous et qu’ils retournent chez eux en se disant«Écoutez, on arrête». Mais il faudrait que ce soient des milliers et des milliers de personnes qui le fassent et, surtout, qu’elles retournent chez elles pour pouvoir influencer ou pour pouvoir influencer occidentalement cette mentalit é qui est très différente de la nôtre. Je pense qu’il s’agit là d’une question fondamentale à laquelle je ne suis pas prêt à répondre, je l’avoue. CHARLES-PHILIPPE DAVID : Mon point de vue est évidemment plus «géopolitique » que «culturel», et c’est probablement en additionnant tous ces aspects que nous finissons par devenir moins bêtes sur notre compréhension des rapports internationaux. Si je reprends un peu plus le thème géopolitique , je dirais que le Moyen-Orient va continuer de constituer le centre du monde géopolitique. Je ne suis pas certain que ce soit tout à fait la thèse de Huntington que j’évoquerais. Je pense qu’on a vu, depuis 2001, beaucoup plus un conflit intracivilisationnel qu’un conflit intercivilisationnel, les luttes de pouvoir restant déterminantes sur le sort civilisationnel de chacun de ces pays. On évoque énormément, par exemple, le fossé entre la communaut é chiite et la communauté sunnite. On dit que l’Irak est devenu le nouveau front de cette nouvelle guerre intracivilisationnelle, et que le mouvement chiite prend une ampleur qu’il n’a jamais eue en matière de pouvoirs politiques. L’Iran se retrouve au premier plan de cette quête. On...

Share