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La Comédie politiqu2 Espace public et phantasme Étienne PAQUETTE À vrai dire, je préférerais dire «divertissement», dans le sens où nous concevons comme un divertissement tout ce qui nous entraîne dans les tensions, dans les prises de parti, nous fait sortir de notre propre vide pour nous mener dans des espaces que nous partageons avec les choses et les gens. Le travail, le combat, l’amour, le dialogue: ce sont les formes principales de l’extase divertissante. De ce point de vue, le divertissement est synonyme d’existence, et le contraire du divertissement n’est pas l’ennui. Le contraire du divertissement, c’est la mort. Peter Sloterdijk, «La politique des sphères», Essai d’intoxication volontaire Quand nous envisageons la question de la participation politique en démocratie, nous sommes tentés de nous en tenir à la valorisation de la délibération intersubjective, c’est-à-dire de l’échange des points de vue et du débat d’idées. Dans cette perspective, tout est le plus souvent présenté comme s’il suffisait que les subjectivités aient un espace en partage, où puissent être soulevés et débattus les enjeux de société, pour que la pratique politique coïncide enfin avec l’idéal démocratique. Le medium de la communication qui doit actualiser un tel échange est alors relégué au second plan de la réflexion sur le «vivre ensemble». Soit il est considéré en fonction d’une efficacité toute théorique relative à la transmission du message et aux interactions qu’il rend possibles. Soit il est évalué à partir des usages que développent ou inventent les différents «acteurs» de la société. Dans l’un et l’autre cas, sa réalité propre – proprement matérielle – et l’expérience qui en est faite du point de vue du corps sont occultées par une sorte de vérité abstraite de l’outil, de sa fonction idéale ou empiriquement constatée. Et alors, peu importe la nature du medium de la communication et le type d’expérience auquel il donne lieu, peu importe le mode de présence au monde qu’il détermine. Pourvu qu’il soit l’instrument d’une participation«réelle» au débat politique, pourvu qu’il accorde à l’individu un impact rationnel sur la gestion du territoire et un rôle dans les prises de décision importantes, le medium reste neutre. 202 — Cahiers du gerse Or, une telle neutralité médiatique n’existe pas. Et la formulation du problème demeure incomplète si elle n’intègre pas les aspects de la communication qui sont relatifs à la nature et à la forme des relations s’établissant entre les corps des participants au cours de l’échange. Il faut envisager la possibilité que la «participation populaire » ne reste un vœu pieu ou un piège de l’esprit tant que nous faisons fi de la place des conditions sensibles et de l’importance de la dimension affective dans l’établissement du lien politique. Au fil des lignes qui suivent, il ne s’agira pas de reposer correctement, dans toute sa complexité, la question du politique, non plus que de chercher dans l’activité de Camillien Houde la piste – qui serait comme imprimée en négatif dans l’histoire de ce magistrat fantasque – d’un idéal démocratique réalisé dans un espace public assaini. Un retour sur le déroulement des assemblées populaires et sur la manière dont le maire de Montréal y intervenait offre cependant l’opportunité d’une mise en perspective des rôles du medium et de la dynamique médiatique dans l’expérience politique – qui, du point de vue de la communication telle qu’elle est envisagée ici, est d’abord expérience de la rencontre et de l’assagissement des rapports de force, et entretient donc un rapport singulier avec la violence. Si la politique se définit comme la dimension de la vie humaine qui commence d’exister et se déploie avec la liberté d’association et la possibilité d’un projet commun, comment la réflexion sur elle pourrait-elle faire l’économie d’une analyse du milieu dans lequel un tel échange s’effectue1 ? On déplore aujourd’hui la dérive d’un espace public traversé par les avatars de pacotilles de ce qu’on...

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