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© 2002 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.uquebec.ca Tiré de : Comprendre la famille – Actes du 6e symposium québécois de recherche sur la famille, Carl Lacharité et Gilles Pronovost (dir.), ISBN 2-7605-1185-5 Don, dette, identité Jacques T. GODBOUT Université du Québec à Trois-Rivières UNE APPROCHE INUSITÉE La vision habituelle du don, dans la société en général, est différente de celle qui domine dans les sciences sociales. Quand on pense au don dans la société occidentale d’aujourd’hui, ce qui vient à l’esprit spontanément, c’est un type particulier de don : la philanthropie, le don humanitaire, le« donnez généreusement » des campagnes de souscription. C’est le don à des inconnus ou des étrangers. Et on le définit comme nécessairement gratuit, au sens d’unilatéral, sans retour. Le petit Robert définit ainsi le don : « ce qu’on abandonne à quelqu’un sans rien recevoir de lui en retour ». Et le dictionnaire Oxford parle de « voluntary transferred without expectation or receipt of an equivalent ». La situation est différente dans les sciences sociales. Mentionnons d’abord qu’on en parlait très peu jusqu’à récemment, sauf en anthropologie . Et quand on en parlait, c’était soit pour le nier dans nos sociétés ou, ce qui revient au même, le réduire à un échange marchand intéressé, quand ce n’était pas une hypocrisie. Pour leur part, les anthropologues l’observaient dans les sociétés archaïques et arrivaient le plus souvent à la conclusion que, finalement, même dans ces sociétés, le don tendait vers un échange équivalent, à long terme. Ces études étaient centrées sur la réciprocité et mesuraient avec précision ce qui circulait dans un sens et dans l’autre. On est donc en présence de deux conceptions extrêmes du don : soit le don unilatéral et sacrificiel, sans retour chez nous ; soit un don tendant au contraire vers l’échange marchand chez les archaïques et dans les sciences sociales en général. 380 380 380 380 380 Jacques T. GODBOUT© 2002 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.uquebec.ca Tiré de : Comprendre la famille – Actes du 6e symposium québécois de recherche sur la famille, Carl Lacharité et Gilles Pronovost (dir.), ISBN 2-7605-1185-5 Mais tout en s’opposant, ces deux conceptions ont un point en commun : dans les deux cas, le don est défini comme une forme de circulation des choses. Le don est défini par ce qui circule seulement, par une comparaison de ce qui circule, pour conclure : soit que c’est équivalent, soit que c’est unilatéral. Cette dernière conclusion conduit des philosophes , en poussant cette exigence de non-retour à l’extrême, à affirmer que le don est la figure de l’impossible (Derrida) ou que la générosité a pour condition l’ingratitude de l’autre. Cela revient à affirmer que pour que le vrai don existe, seul le donneur peut être généreux, puisque ceux à qui il donne doivent idéalement être tous ingrats. Certes, bien des nuances seraient nécessaires. Mais cette description me semble assez bien décrire la situation jusqu’à récemment. Situation qui est peut-être en train de changer. On commence à prendre le don au sérieux, du moins si l’on en juge par les publications importantes sur le thème. Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, particulièrement en France mais aussi ailleurs, plusieurs recherches ont été effectuées et de nombreux ouvrages ont porté sur le don, rédigés par des anthropologues, certes, mais aussi par des philosophes, des littéraires, des économistes, des juristes, des sociologues. En 2001, en France, une des questions du baccalauréat en philosophie était : « Donner pour recevoir, est-ce le principe de tout échange ? » Comment le don est-il aujourd’hui abordé par les différentes disciplines des sciences humaines ? Qu’est-ce qui est nouveau, différent ? Quelques définitions permettent de mettre en évidence cette évolution. Pour les économistes, comme l’écrit l’un d’eux, le don, c...

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