In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Conclusion À l’aube du XXIe siècle, l’avenir de la ruralité, qui quitte un siècle marqué par un extraordinaire développement des villes, soulève plusieurs questions. Les sciences sociales sont peu prédictives ; pourtant elles sont mises au défi de lire cet avenir. S’il y avait des raisons de désespérer, l’inévitable déclin de la ruralité semblant s’installer à demeure, plusieurs raisons d’espérer émergent en cette fin de siècle. Un peu partout, naissent des actions innovantes qui donnent à penser que les ruraux combattent la fatalité de leur morbide destin et reconstruisent les territoires ruraux de la nouvelle ruralité, celle du XXIe siècle. Parler d’espérance pour un scientifique, c’est évidemment aller au-delà de ce discours scientifique, jouer les passeurs de frontières entre la pensée rationnelle, cartésienne et le langage de l’imaginaire, de l’utopie. Pourtant les idées marchent... si elles ont des porteurs, disait le chanoine Lionel Groulx. Et les plus belles réalisations de la société québécoise, comme les petites caisses populaires devenues une des premières institutions financières du pays, sont nées d’une utopie qui, dans le terreau fertile de la ruralité québécoise, a pris racine et a grandi rapidement. Passer les Frontières, c’est inévitable pour quelqu’un qui a grandi à la campagne et qui s’en souvient. Le déclin du monde rural, je l’ai vécu et je le connais. J’ai grandi au fond d’un rang qui était aussi une souriante vallée avec sa petite école primaire. Des douze familles qui vivaient là, cette terre n’en fait plus vivre que deux. De l’école, il ne reste plus rien, sauf un des six peupliers que nous avions plantés avec notre maîtresse un bon jour et qui, avec son port majestueux, témoigne de ce que la patience peut faire. Mais nommer cette évolution le développement, le progrès, la modernisation, toute chose enseignée par cette science... cela va à l’encontre de ma propre expérience, et de la lecture qu’on en fait généralement. Depuis, j’ai compris que tout comme la ruralité est une construction sociale, au sens où sa forme et son contenu sont le fait des communautés humaines, la science l’est tout autant ; ce qui est accepté comme vérité scientifique résulte de la sanction des pairs, donc des communautés de scientifiques elles-mêmes. Pendant des années, les étudiantes et les étudiants qui ont défilé dans mes cours de sociologie rurale ont décrit avec perspicacité les enjeux actuels du développement des territoires ruraux. Le regard consensuel qui se dégageait de leur représentation de la ruralité contemporaine est étonnant. De manière unanime et récurrente au fil des ans, la principale faiblesse du monde rural qu’on a identifiée, c’était l’exode des jeunes en raison du manque d’emplois offerts par le milieu rural. Par contre, la qualité de vie en milieu rural, et notamment la qualité de l’environnement, était souvent mentionnée comme la principale force de ce type de milieu. La perception des menaces et des opportunités propres à la ruralité était moins nette. Dans le premier cas, on invoquait souvent l’État et sa pesanteur comme si l’on sentait que l’avenir de la ruralité tenait à la sollicitude des pouvoirs publics. Finalement, au chapitre des opportunités, c’est l’existence de ressources naturelles variées sur un vaste territoire, et de ressources humaines plutôt bien formées, qui apparaît comme la meilleure occasion de rebâtir le monde rural de demain. Au moment de conclure, force est de constater que plusieurs questions nouvelles prennent forme ; et ces questions vont moduler ce que sera la ruralité du XXIe siècle. Une des premières questions reste la définition de la ruralité elle-même. Le présent ouvrage s’est ouvert sur cette question, lancinante presque, et pas complètement résolue. Au moment où certaines distinctions émergent, d’autres différenciations rurales-urbaines se brouillent. Dans les évolutions récentes, on peut lire un double mouvement diamétralement opposé, soit la montée des intégrismes, tant ruraux qu’urbains, et l’apparition de nouveaux usages du rural et de nouveaux rapports à l’espace remet en question...

Share