Territoires d'avenir: Pour une sociologie de la ruralité

Deuxième partie_L'exploitation agricole familiale : Défricher les nouveaux champs de l’agriculture moderne

DEUXIÈME PARTIE L’exploitation agricole familiale Défricher les nouveaux champs de l’agriculture moderne L’agriculture a occupé, jusqu’à tout récemment, une place centrale dans la ruralité. Elle est toujours au centre des études rurales même si, comme on vient de le voir dans la première partie de ce livre, elle est devenue une activité parmi d’autres en milieu rural. Si elle ne tient plus une position dominante dans l’économie et l’espace ruraux, elle demeure un facteur structurant des systèmes ruraux contemporains. Étudier la manière dont l’agriculture est socialement organisée, les formes sociales de l’organisation productive en agriculture, de même qu’observer les mutations de ces formes sociales de production, reste d’actualité, car cela peut éclairer singulièrement l’évolution de la ruralité elle-même. Par ailleurs, malgré les nombreuses recherches, le consensus est loin d’être établi sur ce qui constitue les caractéristiques de l’exploitation agricole, de son évolution historique et de son devenir. Or, et cela est facile à comprendre, selon la position qu’on adopte, il en découle des politiques agricoles foncièrement différentes. Le plus étonnant ici, c’est qu’on est encore devant un débat dont les termes ont été posés il y a pratiquement un siècle. La question centrale est de savoir ce que vont devenir les « petites exploitations agricoles familiales », la base de l’agriculture un peu partout dans le monde : des entreprises comme les autres, animées par la même logique entrepreneuriale, ou des exploitations agricoles modernisées mais fonctionnant selon une rationalit é spécifique, liée à la présence de la famille et à une sorte de gestion patrimoniale de l’entreprise ? Force est de constater que les prédictions des uns et des autres sur la disparition des exploitations agricoles familiales de la scène de l’histoire ne se sont pas actualisées... bien au contraire. Devant ce débat, nous avons engagé, avec d’autres, des travaux pour mieux comprendre les capacités d’adaptation des exploitants agricoles familiaux aux variations des conjonctures économique et politique, dans le cadre d’une importante étude comparative internationale. Une bonne partie des textes présentés ici font état de travaux issus de cette programmation de recherche. Dans ce débat, c’est la thèse de l’irréductibilité de l’agriculture familiale à d’autres formes sociales de production que nous avons voulu illustrer. Si jadis l’agriculture faisait vivre plusieurs petites communautés rurales, aujourd’hui la situation s’est inversée ; ce sont les communautés rurales qui font ou non survivre l’agriculture en la soutenant de diverses manières, à commencer par une offre de travail saisonnier pour des agriculteurs qui en sont demandeurs. Par ailleurs, c’est aussi notre idée que la montée de la préoccupation environnementale redonne de la pertinence au modèle de l’agriculture familiale, plus à même de répondre aux nouvelles attentes de la société à l’égard de l’activité agricole. 118 L’exploitation agricole familiale ...