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De l’actuaire-gestionnaire à l’actionnaire-entrepreneur : les années 50 Pendant que Claude Castonguay s’apprête à entrer sur le marché du travail, la société québécoise, jusque-là marquée par un esprit de conservatisme d’avant-guerre, s’achemine vers une « révolution tranquille ». Au cours de cette période, toutes les institutions sociales sont ébranlées. Sur le plan politique, le gouvernement libéral de Godbout, élu au Québec à la suite d’une campagne électorale centrée sur la participation des Canadiens à la guerre qui sévit en Europe, est aux prises avec la bataille que se livrent à l’échelle nationale les orangistes ontariens et les nationalistes québécois. Ce gouvernement, au pouvoir de 1939 à 1944, avait peu d’argent à consacrer aux dépenses sociales en raison de la dette contractée pour sortir de la crise. Toutefois, sa prise de position sur des dossiers tels que le droit de vote des femmes, la création du ministère de la Santé et du Bien-être social et la mise sur pied d’une commission d’assurance-maladie chargée de mettre en place un plan d’assurance-maladie généralisée laissent entrevoir clairement ses visées réformistes et sa volonté d’accroître l’intervention de l’État dans le développement économique et social du Québec6 . L’avenir s’annonce donc rempli de changements nombreux, signes précurseurs d’une importante révolution à venir. Mais le retour du gouvernement de l’Union nationale de Maurice Duplessis fait disparaître, un temps, cet espoir d’une éventuelle révolution tranquille. Les organismes et les comités de travail qui avaient été créés pour favoriser l’engagement de l’État dans la planification de l’essor économique et social du Québec sont démantelés ou oubliés. Le Québec est ramené à l’heure du libéralisme économique et de la charité privée. Sous Duplessis, le gouvernement québécois prêche l’autonomie provinciale, cherchant à résister à l’interventionnisme fédéral qui, à la faveur de la guerre, s’est immiscé dans des domaines jusque-là réservés aux provinces comme la santé, l’éducation et le bien-être social6 . C’est donc sous l’égide d’un gouvernement paternaliste, autoritaire et très près de l’Église, que le Québec vivra la relance économique et la prospérité qui caractériseront l’après-guerre. Ainsi, de 1945 à 1956, le taux de croissance moyen de la valeur de la production de l’ensemble des industries primaires et secondaires au Québec est de 14,6 % par année. Entre 1940 et 1960, le salaire industriel moyen connaît une hausse fulgurante de 204 %, ce qui dépasse très nettement le taux d’inflation qui atteignait 85 % pour la même période6 . Toutefois, contrairement à ce qui s’était passé pendant la guerre, le boom économique dans le secteur manufacturier n’est pas synonyme de création significative de nouveaux emplois. De plus, au cours des années 50, les industries à forte densité de main-d’œuvre connaissent un certain vieillissement, alors que les industries de pointe, à moins grande densité de main-d’œuvre, tardent à prendre la relève. Enfin, le 16 [3.145.12.242] Project MUSE (2024-04-25 00:27 GMT) développement de l’industrialisation du Québec est caractérisé par l’entrée massive d’investissements directs provenant de multinationales américaines. Pour sa part, le capital québécois, pendant et après la guerre, est d’abord un capital régional qui s’active dans des entreprises de petite taille à caractère souvent familial et se cantonne dans les secteurs les plus traditionnels de l’économie québécoise6 . Sur le plan social, l’industrialisation d’après-guerre provoque un exode massif des campagnes vers les villes, ce qui accentue les problèmes du chômage, du logement et de la délinquance juvénile. On assiste alors à une diminution marquée des familles étendues et à la prolifération des familles nucléaires. Enfin, malgré le rôle de premier plan qu’elles remplissent pendant la guerre, les femmes sont l’objet de nombreuses mesures discriminatoires sur le marché du travail rémunéré. Quant au système d’éducation, il parvient difficilement à suivre les transformations sociales de l’époque en raison de la résistance des esprits traditionalistes qui...

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