L'épidémiologie sans peine

À la recherche des données perdues ?

À la recherche des données perdues ? Fin avril, Veillebidon sort d’un hiver difficile. E. Pidémio est content : — J’ai vu beaucoup d’enfants pour des affections O.R.L., je vais donc pouvoir me lancer, en reprenant tous mes dossiers, dans la préenquête que nous avons décidé de faire avec Anna. Commençons par préparer la liste des renseignements dont j’ai besoin pour être sûr de ne pas en oublier : âge, sexe, profession du père, nombre de frères et sœurs, habillement, mode de chauffage... Au fait, comment vais-je faire pour retrouver tout ça dans mes dossiers ? Le soir même au téléphone, Anna-Lise : — En fait, ce que tu veux faire, c’est une enquête à partir de tes dossiers. Cela pourrait te permettre d’estimer l’incidence des maladies O.R.L. chez les enfants et de décrire ta population atteinte en fonction de l’âge, du sexe, de la profession du père, de la taille de la fratrie, etc. Mais attention, ne croistu pas que tu auras des problèmes ? Par exemple, tu ne pourras pas étudier des facteurs auxquels tu ne t’intéresses pas habituellement, car ils ne sont pas notés dans tes dossiers. Et es-tu sûr de pouvoir retrouver dans ceux-ci tous les enfants qui ont présenté une affection O.R.L. ? Lors des visites, par exemple, ne les aurais-tu pas parfois notées sur leur carnet de santé au lieu de le faire sur tes dossiers ? Énormément de données vont te manquer et tu risques ainsi de très mal estimer l’incidence des affections O.R.L. parmi les enfants de ta clientèle. Au fond, la seule façon de pouvoir recueillir ces données, c’est de procéder ainsi : au fur et à mesure que tes patients se présentent avec une affection O.R.L., tu notes, en plus des renseignements habituels, des informations sur ce que tu supposes être des facteurs de risque. En l’occurrence, si je me souviens bien, il s’agit de la température et de l’aération de la chambre à coucher, ainsi que du type de chauffage et d’habitation. 42 L’ÉPIDÉMIOLOGIE SANS PEINE Mais au fait, est-ce que tes recherches bibliographiques t’ont fourni des indications intéressantes ? − J’ai trouvé de nombreux articles sur les affections O.R.L., mais très peu concernaient des études épidémiologiques. Seule la consommation de tabac des parents semble avoir été étudiée. Je peux donc abandonner ce renseignement puisque l’étude a déjà été faite. − Ça va t’étonner, mais c’est tout le contraire. Si la consommation de tabac des parents est liée aux affections O.R.L. de leurs enfants, il faudra donc en tenir compte, car elle pourra agir comme un facteur de confusion (ou variable confondante, pour faire plus anglo-saxon). Tu dois donc contrôler ce facteur, et pour cela recueillir l’information correspondante. Si tu le laisses de côté, de fausses liaisons statistiques risquent d’apparaître et te faire croire à des facteurs de risque qui n’en sont pas en réalité. Essayons de préparer un questionnaire comme ceux que te présentent régulièrement des démarcheurs et enquêteurs en tout genre : chaque renseignement, le sexe par exemple, s’appelle un item. Chaque item peut présenter plusieurs modalités, en général deux pour le sexe, masculin et féminin. À toi de jouer ; je m’invite chez toi pour le prochain week-end ensoleillé. Un mois plus tard, dans le jardin d’E. Pidémio, après le calva : − Regarde, Anna-Lise, mon beau questionnaire ! LES AVENTURES DU DR E. PIDÉMIO ET DE SON AMIE ANNA-LISE 43 − Cela me semble pas mal, il ne manque que certains détails. La date de la consultation, par exemple, qui te permettra plus tard de retrouver un éventuel contexte épidémique. Le type d’affection également, car il pourra être intéressant de voir si telle ou telle localisation est plus ou moins fréquente, plus ou moins liée aux facteurs étudiés. Et puis, tu devrais prévoir des modalités autres pour certains items. Prenons le chauffage, par exemple : où classeras-tu les cheminées ? − De...