Un pays de distance et de dispersion

Chapitre 2_Dispersion de la population et ressources

CHAPITRE II DISPERSION DE LA POPULATION ET RESSOURCES La dispersion de la population dans l'Est du Québec n'est pas sans rapport avec la localisation de certaines ressources naturelles exploitées. Les occupations créées par l'extraction, l'utilisation et la transformation de ces ressources influent normalement sur la structure du peuplement. Ainsi les secteurs de l'agriculture, de la foresterie, de l'exploitation minière, des pêcheries, de la transformation et de la construction exercent des rôles respectifs sur la localisation spatiale des habitations. A. RELATIONS POPULATION/RESSOURCES DANS L'EST DU QUÉBEC Depuis 1963 les questions de dispersion de population et de disponibilité des ressources ont été au cœur de la plupart des débats relatifs à l'aménagement du territoire dans l'Est du Québec. De nombreuses propositions d'organismes divers et des programmes gouvernementaux se sont articulés et s'articulent encore autour de ces deux grands thèmes. II est donc indispensable de faire un rappel des discussions, des concepts et des préoccupations inhérentes à ce sujet. Cela permet de donner un aperçu général du contexte régional à l'intérieur duquel s'insère la relation dispersionressource . 1. Implantation du peuplement en fonction des ressources La grande dispersion de la population qui caractérise l'état du peuplement dans l'Est du Québec trouve son origine dans un passé pas très lointain où l'exploitation des ressources constituait l'activité économique de base. La dissémination de ces ressources sur un vaste territoire a provoqué la dispersion de la population. Ainsi la pêche, l' agriculture et plus tard la forêt, par le type de mise en valeur qu' elles commandaient ont-elles fortement influencé la formation du tissu d' habitat1 . La pêche côtière au moyen de petites embarcations à rames s'accommodait bien d'une localisation ponctuelle des pêcheurs tout le long des côtes. L'agriculture, activité qui 1. R. Blanchard, Études canadiennes 1; la Presqu' île de Gaspé, Grenoble, Institut de géographie alpine de l' Université de Grenoble, 1930. 60 UN PAYS DE DISTANCE ET DE DISPERSION a ouvert la plupart des localités au peuplement2 , et tout au moins la partie intérieure de chacune d'elle, impliquait de par sa nature, une large diffusion spatiale et une faible densité des unités d' habitat. La coupe du bois, qui s' est ajoutée comme activité à l' agriculture et à la pêche, tirait également profit d' un émiettement de la main-d'œuvre forestière à la lisière ou à l'intérieur des terrains boisés. En raison d'un étalement des ressources, de la nécessité pour leurs exploitants de s' établir à leur proximité et de l' absence de moyens rapides de communication, une multiplicité de petites localités prirent naissance. Elles forment le tribut d' une époque préindustrielle, et beaucoup d' entre elles s' adaptent mal au nouveau contexte économique qui commença à s'instaurer dans le territoire à la fin des années trente. 2. Le constat de marginalité Dès le début de ses travaux en 1963, le B.A.E.Q. nota l' inadéquation existant entre l'utilisation des ressources et la localisation de l'habitat3 ; toujours en fonction de cette relation, il en arriva à déterminer un certain nombre de localités marginales dont il envisageait la fermeture4 . La transformation de l' économie, se traduisant entre autres choses par la disparition de l' autarcie agricole et la nécessité de moderniser, d'agrandir et d'industrialiser les entreprises agricoles, provoqua un abandon rapide des terres au sol ingrat et inadapté soit physiquement, soit structurellement à cette agriculture moderne. Plusieurs localités, particulièrement celles de l'intérieur des terres, ouvertes lors de la période de colonisation du début du xxe siècle s' enlisèrent graduellement dans une marginalité économique qui venait doubler leur marginalité géographique. Ainsi se manifestait de façon aiguë, les premiers signes d'une discordance entre la localisation des ressources exploitables et l' habitat. Pour le B.A.E.Q., il était tellement évident que la localisation de la population ne répondait plus aux exigences socio- économiques modernes5 , qu'il devenait essentiel de réorganiser la structure spatiale. L'organisme retint donc comme l'un de ses cinq objectifs, la structuration rationnelle de l' espace6 , ce qui impliquait entre autres choses, la fermeture de certaines...