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Chapitre 6 - Un collectif autogéré de travailleurs en informatique libre
- Presses de l'Université du Québec
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C H A P I T R E 6 UN COLLECTIF AUTOGÉRÉ DE TRAVAILLEURS EN INFORMATIQUE LIBRE Le cas de Koumbit Anne Goldenberg 114 L’action communautaire québécoise à l’ère du numérique Dans ce chapitre, nous décrivons comment un collectif de travailleurs en logiciel libre «politise» les services en informatique, d’une part, et la gestion organisationnelle, d’autre part, notamment en maintenant ouverts les processus qui y sont associés. Koumbit est un organisme sans but lucratif, basé à Montréal, qui a été créé pour assurer un service informatique fiable et accessible aux organismes militants et communautaires (associatifs), mais aussi pour donner un emploi à des travailleurs en informatique. En plus de la mission de prestations techniques , les membres se sont dès le début investis pour inventer et documenter la construction d’une structure organisationnelle participative et non hiérarchique. Cette double mission (technique et organisationnelle ) a amené les membres de ce groupe à expérimenter la tension entre une aspiration autogestionnaire et un besoin de rentabilit é, certains membres travailleurs ayant sacrifié tout emploi externe pour se consacrer à Koumbit. Le groupe documente à la fois ses développements technologiques et l’élaboration de son organisation dans un wiki public (site Web entièrement éditable par ses utilisateurs). Les analyses développées ici s’appuient sur l’examen des archives de l’organisation telles qu’elles ont été consignées dans le wiki, sur dix mois d’observation des réunions de travail et de l’activité médiatisée par ordinateur des travailleurs (de septembre 2005 à juin 2006) et, finalement , sur des entretiens semi-dirigés réalisés en avril 2006 avec huit membres travailleurs. Notre but est d’analyser comment un groupe organisé selon un modèle participatif, qui garde lisibles les processus conduisant à ses réalisations et à son organisation, parvient à survivre et évoluer. En particulier, nous chercherons à comprendre ce qui maintient la cohérence du projet et en quoi il s’agit d’un militantisme. Par ouverture , nous faisons référence à la lisibilité (du plan, du programme, des décisions), mais aussi aux possibilités d’intervention offertes aux personnes concernées. En ce sens, cette approche s’oppose à une conception de l’expertise rendant les choix inacessibles, illisibles ou non négociables. En informatique comme en gestion, la notion de processus renvoie à une définition formelle. Le Free Online Dictionary of Computing (FolDoc1) définit le processus comme un ensemble d’instructions (code formant généralement un programme) en train d’être exécuté. Pour fonctionner, les processus informatiques ont besoin de ressources, comme de l’espace mémoire, du temps sur le processeur, 1. . [18.208.172.3] Project MUSE (2024-03-28 22:28 GMT) Chapitre 6 Un collectif autogéré de travailleurs en informatique libre 115 des entrées et des sorties. Les ressources sont allouées par un système d’exploitation, qui veille aussi à ce que les processus n’interfèrent pas les uns avec les autres. Le code du programme et l’état des ressources sont généralement accessibles dans un gestionnaire de tâches, ce qui permet à l’utilisateur d’interrompre un processus défectueux. Selon le FolDoc, la notion de processus renvoie également aux activités, personnes et systèmes impliqués dans la réalisation d’un projet (comme le développement logiciel) dont le sens est alors plus organisationnel. Hans Brandenburg et Jean-Pierre Wojtyna (2006, p. 21) définissent les processus organisationnels comme «les activités qu’une entreprise doit mettre en œuvre pour transformer la demande de ses clients en produits ou prestations qui satisfont cette demande. [Un processus est] caractérisé par une suite d’opérations qui apportent une valeur ajoutée aux entrées en les transformant en sorties». Chaque opération utilise des ressources (personnel, équipement, matériels et machines, matières premières et informations) pour réaliser des produits ou des services. Dans l’entreprise, un gestionnaire ou manager décide souvent de l’amélioration des processus (Gillot, 2007), mais il arrive aussi que ces choix soient orientés par des normes plus globales. Ainsi, l’organisation internationale de normalisation (ou ISO2) établit des normes qui visent notamment à rentabiliser les activités et à satisfaire les clients («la normalisation internationale étant mue par le marché3 »). En particulier, la norme ISO 9001 (relative à la qualité) régule l’accomplissement des activités de production. Mais nous verrons que de...