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Introduction Comment bel et bien vivre? Cette question interpelle tout être humain autant dans la légèreté que dans la lourdeur du quotidien. tout au long de sa vie, il appartient à chacun d’y répondre le plus librement possible. Cet essai propose un certain nombre de réflexions sur l’existence humaine et sur les conditions d’exercice du «métier» d’homme ou de femme. Il s’agit là d’un métier fascinant exigeant un apprentissage particulier, à savoir la pratique de soi. Apprentissage difficile certes, mais magnifique et nécessaire pour mener une belle et bonne vie. Dans la ligne de la tradition humaniste occidentale, cet essai se présente à la fois comme une tentative plus ou moins réussie d’exprimer ce qui renvoie la plupart du temps à l’inexprimable, et comme un effort de décrire cette expérience fondamentale et déterminante dans la vie d’un homme ou d’une femme qu’est l’expérience éthique, et ce, dans le but de montrer son incidence dans la vie quotidienne, autant dans l’expression des moments magiques, des bonheurs fragiles et des joies passagères qui lui apportent une coloration particulière, que dans les inquiétudes, les angoisses, les échecs, les ruptures et les souffrances qui la marquent de leurs sceaux indélébiles. 2 L’œuvre de soi Le métier d’homme ou de femme s’exerce au rythme des secondes, des minutes, des heures, des jours, des semaines, des mois et des années qui scandent les nécessités et les hasards de la vie quotidienne. on le pratique dans le passage obligé depuis l’aurore jusqu’au crépuscule du désir: du désir de vivre, de vivre pleinement et bellement, avec comme horizon la perspective inéluctable de la mort. Comme le soulignait le sage Épictète: «[…] quoi que ce soit qui m’arrive, il dépend de moi d’en tirer profit1 ». L’expérience éthique et l’œuvre de soi sont indissociables. toutes deux renvoient à la quête de sens qui constitue une manifestation de la passion de vivre et de la volonté d’accéder au bonheur. mais l’expérience le prouve, la quête de sens est une entreprise difficile, risquée, pleine d’embûches, limitée et décevante à plusieurs égards. C’est le prix à payer pour quiconque entreprend de se faire libre afin que les désirs qui l’animent ne tournent pas à vide. apprendre à vivre, c’est apprendre à mourir, mais avant de mourir , il importe de vivre bel et bien. apprendre à mourir consiste dès lors à vivre pleinement, sans tricher, les yeux grands ouverts, les oreilles bien tendues, le nez fin, la bouche accueillante et les mains ouvertes. pourquoi? parce que la question du sens que l’on s’obstine à donner à la condition humaine passe obligatoirement par l’expérience des sens, antennes nécessaires à une meilleure compréhension de la vie sous le soleil. La fabrication du sens est le fruit d’un travail particulier, à savoir l’œuvre de soi. L’œuvre de soi comme hymne à la vie, comme expression la plus noble de la dignité humaine. La pratique de soi correspond à un travail sur soi, sans cesse à reprendre au fil des ans, pour se construire une liberté fragile malgré les obstacles qui surgissent sur son chemin. Une liberté sans tricher. Une liberté lucide, courageuse et responsable. Le soi, objet de travail et de construction, ce n’est pas le moi, le«me, myself and I». pour reprendre cette belle expression de montaigne, le soi renvoie plutôt au fait que chacun de nous, qui que nous soyons, est un échantillon de l’humanité: «Chaque homme porte en soi la forme entière de l’humaine condition2.» L’œuvre de soi est le résultat 1. ÉpICtÈte, Manuel. texte intégral. Commentaires de martine Lhoste-navarre. paris, Bordas, 1987, Vlll. 2. michel de montaIgne, Essais. tome III. Édition présentée, établie et annotée par pierre michel. paris, Librairie générale française, 1972, Livre 3, II, p. 26. [3.21.231.245] Project MUSE (2024-04-24 11:09 GMT) Introduction 3 en constante évolution, et plus ou moins bien réussi, d’une entreprise qui consiste précisément à sortir du cocon qui entoure le moi afin de se faire libre, et libre pour et avec autrui. Cette entreprise est éprouvante et difficile. La chair en porte les marques...

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